jeudi 14 décembre 2000

Cynthia Girard ne cesse de tourner en rond

Cynthia Girard dans ce minuscule recueil de contes et poèmes surprend au premier coup d’œil. L’enchantement cependant fait vite place à la déception après quelques pages. Voilà, nous plongeons dans une sorte de grand fourre-tout et il faut trouver un sens, une direction. Pourtant... Il y a les contes, les textes qui ont bercé l'enfance de tous. Une visite dans ces univers pouvait s'avérer intéressante en autant qu'elle est assumée. Cynthia Girard s'y perd rapidement, systématiquement, volontairement, refusant de suivre un fil narratif sauf celui de ses pulsions. S'inspirant de contes connus, elle les mélange, les triture, dévie rapidement et bascule immanquablement dans les affres de l'écriture. Les mots s'échappent, se moquent, n'en font qu'à leur tête et l'écrivaine ne rattrape jamais ce qu'elle ne veut surtout pas retenir.
«La petite fille est maintenant perdue dans la forêt et moi aussi, je me perds dans la forêt. Mais moi ce n'est pas la même chose, moi je me perds dans la forêt des lettres, moi ce n'est pas la même chose, chaque lettre comme un petit buisson et chaque mot comme un petit bosquet et chaque phrase comme quoi ? Je ne sais pas comme quoi chaque phrase, comme un...» (p 9)
Cynthia Girard tourne autour de l'écriture, des mots qui s'imposent et repoussent l'écrivain. Le travail de l'écrivant n'est-il pas justement de dompter cette dérive? A quoi bon écrire si c'est pour répéter qu'il est difficile d'écrire, quasi impossible... L'auteure répète la formule à satiété. L'ensemble devient un seul et même texte malgré les titres et les sujets.

Les photos

Heureusement, les quatorze photographies de Anne-Marie Zeppetelli, ces visages qui surgissent comme des lanternes dans la nuit ont réussi à me retenir. Ce questionnement sur le regard m'a permis d'aller au bout du livre. Non, la rencontre n'a pas lieu. L'écriture de Cynthia Girard est beaucoup trop narcissique pour s'ouvrir à Anne-Marie Zeppetelli. La photographe cherche le regard de l'autre et l'écrivaine se referme comme une huitre.
Et la poésie de Cynthia Girard?
Il me semble que le discours poétique a fait des bonds depuis l'époque de l'énumération, de l'association libre qui a fait la marque des surréalistes.
«ça sent la grande volonté / la discipline / le dur labeur / là-bas le café / l'homme / front tendu / il porte plume et calepin / il se concentre / il se recherche / un gant à l'envers / un mystique en volutes de fumée / il se consacre / poésies de bure / de sandales en prosternations...» (p.20)
Il faut un projet qui supporte la quête poétique, une intention qui pousse le souffle sinon on se fait remueur d'émotions, collectionneur d'impressions. Ça semble le fait de Cynthia Girard. 

«Déviances poétiques» de Cynthia Girard est paru aux Éditions Dazibao.
http://dazibao-photo.org/fr/desphotographes/deviances-poetiques-fr

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