dimanche 19 avril 2009

Jean Désy cherche la petite lumière

Jean Désy, médecin et écrivain, pousse son lecteur devant la maladie, la mort, la misère physique et spirituelle, un monde qui a perdu toute assurance dans «Entre le chaos et l’insignifiance».
Nous l’oublions souvent, le médecin confronte la maladie au jour le jour, le vieillissement et souvent l’horreur. Que dire à une jeune femme qui a tenté de mettre fin à ses jours? Comment regarder un homme et une femme dans les yeux et lui annoncer le pire?
«Comment réagir quand on rencontre pour la première fois une mère qui rejette brutalement son bébé? Comment annoncer à quelqu’un que le cancer qui le ronge va bientôt le tuer et que les miracles sont épouvantablement rarissimes?» (p.11)
Notre société demande au médecin de réaliser justement «ces miracles» tout en soutenant une cadence folle dans des hôpitaux où les spécialistes deviennent des «performeurs». Nous n’entendons parler que des heures d’attentes dans les urgences ou encore de certaines erreurs qui ne peuvent que se multiplier avec des horaires de plus en plus frénétiques. Pas étonnant que des jeunes se questionnent ou décrochent. Des infirmières à bout de patience décident de partir.

L’exil

Certains médecins décident d’aller servir dans le Grand Nord comme Désy l’a fait pour y nourrir leur imaginaire et trouver un ancrage à leur vie. D’autres s’exilent dans des pays qui distillent la misère ou des folies guerrières qui ne savent plus comment prendre fin.
«Vois-tu, en Afrique, j’ai côtoyé le Mal. Je suis content d’être revenu chez moi. Mais j’ai envie de repartir. De fait, je repartirais demain matin. Bizarre non ? Pourquoi ? Parce qu’il me semble que je perds le sens de ma vie dans mon pays, même si c’est paisible. C’est un cadeau du ciel de pouvoir vivre dans un lieu en paix. Mais dès que je remets les pieds chez moi, je ressens le vide. Un grand vide…» (p.23)
Jean Désy empoigne le mal du siècle peut-être, ce vide qui frappe à peu près tout le monde dans des sociétés où il faut gaspiller furieusement pour relancer une économie qui souffre d’hyperventilation.
Dans neuf textes, le médecin nomade affronte la plus incroyable des misères humaines en Haïti ou dans le Grand Nord où la folie emporte les jeunes dans un tourbillon plus dangereux que le blizzard. Des situations extrêmes qui permettent curieusement de mettre un pied au sol.

La quête

Dans plusieurs de ses ouvrages, surtout dans «Âme, foi et poésie» paru en 2007, Jean Désy cherche un sens à la vie. La foi est-elle une réponse quand la misère frappe toujours les mêmes pays du Tiers-Monde? Dieu ou un Être suprême peut-il apporter un certain apaisement? Comment trouver une certitude quand le chaos s’installe? L’écrivain retourne ces questions sans jamais être convaincu des réponses. Il jongle avec ces énigmes d’un livre à l’autre, tente de trouver une direction dans un monde qui se plaît à inventer l’horreur.
«Le Mal, à mon sens, n’est essentiellement qu’humain. Rien d’autre, mais c’est bien assez! Âme et cosmos et nature, et a fortiori Dieu, ne font qu’un pour créer la vie. Notre tâche, à nous, les humains, n’est peut-être essentiellement que de montrer la beauté du monde. De la montrer en la magnifiant. C’est peut-être là que se trouve notre plus grand Bien, le seul qui puisse contrer le Mal ambiant.» (p.25) 

Mal de l’âme

Le médecin et philosophe questionne le mal de l’âme qui secoue nos sociétés, surtout la jeunesse. Comment contrer le «mal d’être»? Il faut peut-être se tourner vers les poètes et les penseurs pour deviner la petite flamme qui vacille.
«Je ne sais pas. Je ne suis sûr de rien. Pourtant, il semble exister un baume pour chaque plaie du monde. Ce baume est souvent un langage. Et ce langage est souvent poésie. Et la poésie, la vraie, ressemble souvent à de l’amour.» (p.87)
Jean Désy recommande l’humilité devant sa profession de médecin. Tout comme Jacques Ferron l’était. Il croit qu’il faut cultiver l’amour de ses patients et avoir la certitude d’être utile. Malheureusement, la médecine industrielle s’éloigne de plus en plus de cet artisanat nécessaire, de «cette compassion humaine» qui aide plus que les appareils les plus sophistiqués.

«Entre le chaos et l’insignifiance» de Jean Désy est paru chez XYZ Éditeur.