dimanche 4 juillet 2010

Dany Tremblay explore Baie-Sainte-Catherine

Un second recueil de nouvelles pour Dany Tremblay en quelques mois. «Le musée des choses» est constitué de onze textes, dont plusieurs ont été publiés auparavant dans «Miroir aux alouettes». La nouvellière avait fait la même chose, l’automne dernier, dans «Tous les chemins mènent à l’ombre». Un travail d’orfèvre et de retouches qui pousse chacun de ses écrits dans leurs derniers retranchements.
 Dany Tremblay explore un univers qui tourne autour de Baie-Sainte-Catherine, à la rencontre du Saguenay et du grand fleuve qui vogue jusqu’à l’océan. Un pays d’arrivées et de départs, un lieu d’excès et d’empoignades. Un monde dur et âpre, giflé par les vents, chargé par la pluie, la neige et le froid. Il y germe la tendresse, parfois l’amour, le drame qui vient par certains gestes irréfléchis.
Les personnages, le lecteur a appris à les détester ou à les aimer lors des parutions précédentes. Marie s’enfuit après avoir mis fin à la violence. Raymond, Clara, Ruth et Monsieur Santoni sont là, au centre de leur vie, en attente ou sur le point de commettre l’irréparable.
Les personnages de Dany Tremblay sont souvent des éclopés et des marginaux. Coq-L’œil, le souffre-douleur, est foudroyé en croisant une fille qu’il a connue à la petite école. Clara a survécu en longeant la rive de sa vie.
«Si tu savais mon trouble, Raymond, l’agitation en moi, les serrements, l’angoisse, tout ce qui va avec. Tu te trouvais à Lévis, moi dans l’autobus. Il s’agissait une fois encore d’un mauvais timing. Je me suis demandé s’il fallait me précipiter à l’avant pour ordonner au chauffeur de s’arrêter, de me laisser descendre. Je n’arrivais pas à me décider et, petit à petit, la distance s’est élargie.» (p.47)
Rien n’arrivera comme de raison.

Pays

Les objets se patinent de souvenirs, de drames et de tempêtes qui ébranlent toutes les vies. Il suffit d’un regard, d’une circonstance pour que tout revive.
«J’étais trempée, inquiète. Une goutte d’eau a dégouliné dans l’échancrure de ma jaquette. Il n’a pas été facile de me convaincre de l’improbabilité que quelqu’un se trouve dehors sous cette pluie, de l’impossibilité de percevoir la moindre plainte avec ce vent. Je me suis raisonnée. Mais le sifflement du vent, c’était à s’y méprendre, croyez-moi. Je campais sur le site trente et un, la dernière parcelle de terre que cette femme avait foulée avant de sauter sur la glace.» (p.89)
Des lieux risquent d’emporter les personnages, de les pousser hors de soi. Les protagonistes sont hésitants et maladroits avec Raymond et Clara, calcul avec Monsieur Santoni. Rita berce son enfance dans la grande chaise héritée de ses parents pendant que Ruth tente de survivre après un viol.

Araignée

Dany Tremblay a un formidable talent pour broder des intrigues. L’écrivaine travaille à la manière d’une araignée qui tisse sa toile, attire sa victime avec lenteur et précision.
«Il y a des trucs que je m’explique mal, des histoires dont on n’a jamais soufflé mot, Comme lorsque nos regards se sont croisés. C’était dans une soirée à la fin du cégep. Je t’ai entendu dire salut, j’ai relevé la tête, je t’ai vu sourire à quelqu’un. Je me suis trouvée bête, tellement bête, j’avais cru un instant que tu me parlais. Je suis rentrée pas longtemps après. Je ne voulais pas être dans les parages, au cas où tu ne partirais pas seul. Souvent, la fuite reste la seule solution.» (p.96)
La nouvellière a le grand art des petits riens qui meublent la vie de tous les jours. Tout est important dans la construction de ses nouvelles.
Une écriture sans bavure, le don de ramasser une vie autour d’une chaise berçante, d’une rencontre à l’épicerie, du saut qui fait glisser dans une autre dimension. L’art du drame qui mijote tout doucement dans un monde en attente, lisse et d’aspect inoffensif.
Il vaut mieux peut-être avoir lu «Tous les chemins mènent à l’ombre» avant de s’aventurer dans «Le musée des choses». Le lecteur qui découvrirait cette écrivaine par son dernier ouvrage risque de ne pas trop saisir ce qui emporte certains personnages. Des sonates lentes qui inventent un monde et ne vous laissent jamais en paix.

«Le musée des choses» de Dany Tremblay est publié à La grenouille bleue.

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