dimanche 31 juillet 2011

Maurice Henrie voyage au pays de l'enfance


L’enfance marque l’univers de l’être humain, dit-on. Pas étonnant que plusieurs écrivains puisent dans leurs premières années pour y installer des fictions ou encore tenter de cerner l’adulte qu’il est devenu. Certains y ont trouvé matière à de véritables bijoux. Mentionnons Gabrielle Roy, Victor-Lévy Beaulieu ou Bruno Hébert. Michel Tremblay, on le sait, a puisé le plus significatif de son œuvre florissante dans le quartier de son enfance.
Maurice Henrie ne résiste pas à la tentation du passé. Dans «L’enfanCement» (quel mauvais titre) l’auteur plonge dans son passé avec un plaisir évident, s’étonne de la diversité de ses souvenirs et du rôle qu’ils ont pu avoir sur sa vie d’homme.
 « Ce qui me préoccupe davantage, c’est de savoir comment les événements que j’ai rappelés ici et les milliers d’autres que j’ai à l’esprit, mais dont je n’ai parlé nulle part ni à personne, comment ces événements ont influencé, incurvé et déterminé ma vie jusqu’à présent. Quel rôle ils ont joué, avec l’incontournable génétique, dans ma formation physique et mentale. Impossible de répondre avec certitude à ces questions.» (p.278)
Six maisons ont marqué les premières années de cet auteur et l’ont mené tout doucement vers l’adolescence. Une manière originale de suivre les migrations de sa famille, les activités du père et de sa mère.
Des événements que l’adulte ne cesse d’enjoliver avec le temps. C’est peut-être le propre de la mémoire que de magnifier les souvenirs
«Je veux aligner ces événements les uns à côté des autres, afin de pouvoir mieux les trier, les étudier, les classer, comme on ferait avec les pièces d’un casse-tête géant.» (p.11).

L’Abitibi

Un premier refuge se situe dans la lointaine Abitibi où le père travaille comme mineur. Les aléas de la vie pousseront la famille vers la région de Rockland. Toute la tribu suit sans poser de questions. On y abandonne des amis, des connaissances et de la parenté. Des oncles et des tantes s’imposent selon les migrations. Jean-Pierre surtout fascine l’enfant. Un homme excessif qui ne résiste jamais à un sourire enjôleur. Un original, un grand amateur de chasse et de pèche qui joue un rôle important dans la vie du jeune garçon.
Des incidents, même si l’auteur s’en défend, sortent de l’ordinaire et marquent le garçon. Qui a vu un avion s’écraser devant sa maison?
«L’avion était maintenant si près que, pendant une courte seconde, je distinguai nettement dans la carlingue la double silhouette du pilote et de son compagnon. Et de gros chiffres bleus imprimés sur le fuselage. Avant que je ne puisse dire ou faire quoi que ce soit, il percuta le sol à grande vitesse, dans le terrain vague juste en face de notre maison. Sous nos yeux horrifiés, il s’enfonça dans la terre en se désintégrant, ne laissant plus paraître que son empennage jaune, qui émergeait parmi les choux gras.» (p.67)
Le jeune Maurice confronte la mort, la tragédie quand une voisine tue son mari avec un marteau. Il y a aussi les filles, ses hésitations jusqu’à la rencontre de Valérie qui l’initie aux jeux de l’amour. Des événements tragiques succèdent aux facéties de l’un, à la découverte de la radio, les plaisirs de la bicyclette et des promenades qui permettent de découvrir le monde.
Maurice Henrie a vécu une enfance qui est loin d’être banale. Même les oiseaux s’en mêlent quand l’un d’eux réussit à se pendre dans un arbre devant un voisin indifférent.

Époque révolue

Ce conteur a le mérite de nous plonger dans une époque révolue où les curés dirigeaient la vie de la paroisse tel un chef d’orchestre. Heureusement, il y avait toujours un original ou un mouton noir pour créer de la diversion. Le servant de messe fait même la connaissance d’un athée plutôt sympathique qui créera une commotion dans la communauté à son décès. Tout comme cette femme qui accueillait des hommes le soir venu dans sa maison un peu isolée. De quoi titiller le corps et l’imagination d’un garçon plein d’énergie.
Maurice Henrie possède l’art de raconter. Un récit attachant, bien mené. Le lecteur en voudrait encore.

«L’enfanCement» de Maurice Henrie est paru aux Éditions Prise de paroles.

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