lundi 19 novembre 2012

Dany Leclair m’a rappelé de beaux souvenirs


«Le Saint-Christophe» de Dany Leclerc m’a fait faire un voyage dans le temps, retourner au début des années soixante-dix. Il m’a rappelé ma solitude aussi quand, jeune campagnard déraciné, je me suis retrouvé dans la grande ville de Montréal, sans repères et sans certitudes. Heureusement, il y avait quelques amis, des migrants venus de mon village, qui permettaient de m’accrocher. Il y avait aussi les livres et la littérature.

Avec Christian Gingras, j’ai connu ces soirées où la fumée était à trancher au couteau, où l’on vidait des bières en s’enivrant de mots, de musique jusqu’à tomber plus mort que vivant sur un matelas de fortune. Avec des gars et des filles, nous avons expérimenté la liberté qui passe par tous les excès. La pauvreté aussi, ayant tout juste assez d’argent pour manger, se payer un taudis où nous nous entassions à plusieurs.
«Le Saint-Christophe» est un appartement du centre-ville de Montréal où les copains se rencontrent pour traquer les filles et renifler tout ce qui peut être reniflé. Un lieu de fêtes perpétuelles où l’on s’initie aux jeux de l’amour sans trop de hasard. Un refuge où les amis ont tous les droits.
Christian a grandi à La Baie, au Saguenay. Il part à Montréal, au début des années 90, pour poursuivre des études et retrouver Sarah, une fille qui l’a viré à l’envers pendant les vacances d’été.
«Du fin fond de ma petite ville tranquille où le monde tournait trop lentement à mon goût, où l’écho des esprits trop étroits résonnait dans des espaces trop vastes, j’avais appris à désirer Montréal. J’avais été envoûté par tous ces appas que je lui avais découverts à travers mes lectures, à travers mes fantasmes. À ma première année de cégep, le hasard m’avait fait découvrir «Vamp» de Christian Mistral. Le style m’avait soufflé, le rythme fiévreux de la ville m’avait séduit. Ce roman avait confirmé ma passion pour la littérature et, pour moi, la littérature c’était désormais Montréal, Montréal l’envoûtante, Montréal la délirante.» (p.16)
La réalité le forcera à descendre au fond de lui-même pour trouver une forme d’équilibre et donner une nouvelle direction à sa vie.

Découverte

Tourmenté, hésitant malgré ses fanfaronnades, déchiré entre la sécurité familiale et son envie de tout bousculer pour écrire, Christian découvre la liberté, l’écriture, la vie dans ce qu’elle a d’excitant et de troublant. L’amour aussi qui le transformera pour le pire ou le meilleur.
 «J’avais été élevé dans un HLM, mes parents avaient enduré des boulots difficiles, précaires et minables pendant toute leur vie pour essayer de nous camoufler autant que possible la pauvreté dans laquelle nous pataugions. Pour moi, les études représentaient la seule façon de ne pas emprunter la même route, la seule promesse d’un avenir meilleur. Je voulais leur fournir une source de fierté qui leur ferait oublier toutes les misères que la vie leur avait imposées, tous les sacrifices auxquels ils avaient consenti pour nous élever.» (p.55)
Le jeune homme devra se constituer une carapace pour survivre dans un monde où il a perdu ses balises, où l’amour peut rimer avec tricherie et manipulation. Heureusement, les livres lui permettent de tenir la désespérance à distance.
«J’écrivais comme je n’étais jamais parvenu à écrire et je sacrifiais, sans aucun regret, presque toutes mes fins de semaine à mes lectures ou à la rédaction de mes travaux de fin de session. Jusque-là, j’avais rêvé d’être un écrivain sans jamais avoir vraiment écrit, j’avais voulu avoir tout lu sans prendre le temps de lire.» (p.163)
Un roman excessif, impulsif comme la jeunesse l’est toujours, mais avec plein de rêves, d’idéaux, de désirs de faire autrement, de se réaliser en risquant tout.
Vivant, plein de rebondissements malgré un narrateur qui se sent un peu coupable de tout, ce roman parle particulièrement à une certaine jeunesse pour qui les études passaient par l’exil. Ce n’est jamais facile d’être migrant dans son propre pays, de tout laisser derrière soi pour s’inventer une autre vie.
Dany Leclair témoigne de cette réalité avec un enthousiasme contagieux. Bien des bravades, des provocations, mais aussi une belle tendresse, une fragilité qui va droit au coeur. Toute la gamme des émotions est au rendez-vous. Un portrait juste et combien humain.

«Le Saint-Christophe» de Dany Leclair est paru aux Éditions Québec-Amérique.

1 commentaire:

  1. Bravo Denis Leclair
    pour votre roman du St-Christophe

    Ce fut aussi les frissons de ma jeunesse,mais 20 ans plus tôt, celle de l'île de l'éternité de l'instant présent (www.demers.qc.ca) du café st-Vincent comme du Vieux Montréal. La découverte de la liberté par la grande ville.

    Pierrot
    vagabond céleste

    Pierrot
    vagabond céleste

    RépondreEffacer