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dimanche 7 mars 2004

Élisabeth Vonarburg regroupe ses nouvelles

Élisabeth Vonarburg n’a cessé de bousculer la société en se projetant souvent dans le futur ou en le ramenant à sa plus simple expression quand tout a été saccagé par la démesure humaine. Si elle a réussi des fresques époustouflantes avec sa série Tyranaël ou «Le pays des mères», elle sait aussi travailler des textes précis comme des bonsaïs. Toujours elle questionne l’évolution, la civilisation ou sur quoi peut reposer l’humanité. Des énigmes qui hantent ses grands romans de science-fiction où elle se fait chercheuse et tente de trouver ce qu’est l’humain, la culture ou la civilisation quand tout le superflu ou l’inutile a été balayé. Une manière de se plonger en situation d’urgence pour décrire la condition humaine et questionner l’histoire. Comme si elle poussait l’humain dans ce qu’il a de plus intime. Elle a trituré le langage, les rapports entre les hommes et les femmes, bousculé la civilisation, les mutations possibles ou imaginaires dans un monde dominé par la machine. Toujours elle a cherché l’étincelle, la petite flamme qui montre que l’humain est humain malgré toutes les folies et les expériences.
Parallèlement, Élisabeth Vonarburg a écrit des textes pour le plaisir de participer à une revue ou un collectif. Ici, dans «Vraies histoires fausses» elle regroupe vingt-trois nouvelles parues ici et là, surtout dans le collectif de l’Association professionnelle des écrivains de la Sagamie-Côte dont elle a été une animatrice pendant plusieurs années.

Question d’unité


Le lecteur trouverait-il une unité ou un fil conducteur dans ces textes qui s’échelonnent sur une vingtaine d’années. Elle explore son enfance, son adolescence, s’arrête à ses migrations, à sa venue à Chicoutimi et y décrit certains rêves. Elle se livre dans ses choix d’existence et ses décisions. Elle y parle du pays rêvé, du pays abandonné, de son amour de la neige, des voyages en autobus et s’abandonne un peu aux souvenirs pour y arracher des signes. Des textes d’une finesse remarquable et d’une belle unité. Peut-être parce qu’Élisabeth Vonarburg a décidé, dans ces récits de déchirer les masques pour parler d’elle et de son monde, d’aller vers soi en oubliant les maquillages.
«Alentour, hors de la ville, les repères de mes chemins se sont effacés, les champs n’existent plus, les maisons, à peine. Seulement la plaine, un grand corps endormi, immobile et pur, entre l’orée du Parc et les monts Valin – la montagne flotte au-dessus de l’horizon, rêve de nuage dans l’azur tranchant.» (p.57)
Elle travaille avec des petites touches précises et sait être une orfèvre attentive. Et quel don elle a pour nous faire sentir l’autre, l’étouffement ou une présence intolérable.
«C’était peut-être cela, l’enfer, un autobus puant plein de gens exécrables, fonçant à travers l’éternité des limbes en direction de nulle part.» (p.89)
Élisabeth Vonarburg ne perd jamais son mordant. Elle a le regard perçant de l’harfang à qui rien n’échappe. Des textes surprenants même quand on a eu le plaisir de la lire au cours des années. Regrouper ces textes leur donne une force et une justesse encore plus grande.

Précision

Élisabeth Vonarburg ouvre ici une porte à ceux et celles qui, au cours des onze dernières années, ont participé aux collectifs de «Un lac, un fjord, un fleuve». Ses nouvelles demeurent percutantes, justes et s’avèrent d’une remarquable uniformité.
«Je voyais d’immenses forêts profondes, enfouies sous la neige, avec des ours noirs qui dormaient roulés en boule entre des parois de terre veinées de racines. Et de grandes chouettes blanches au vol velouté dans le silence. Et de grands cerfs majestueux, dans la neige jusqu’au poitrail, qui avançaient comme des bateaux sans voiles.» (p.123)
Élisabeth Vonarburg sait rêver un espace et l’habiter. Elle nous le peint ici dans une langue d’une belle précision.

«Vraies histoires fausses» d’Élisabeth Vonarburg est paru aux Éditions Vents d’Ouest. 
http://www.ventsdouest.ca/Livres.asp?IDL=188

jeudi 14 août 2003

Jacques Michaud se contente des anecdotes

«Sakka» désigne l’horizon en inuktitut selon l’auteur. Jacques Michaud nous entraîne dans sa première époque, nous pousse vers l’âge adolescent, revient, repart, passe d’un temps à l’autre et finit par nous étourdir.
 Pourtant, l’enfance a été singulière. Elle a été celle des gens de la campagne qui ont connu l’école du rang, le plaisir d’avoir la forêt à portée de la main en Abitibi (pourquoi écrire Abbittibbi), d’avoir des frères et des sœurs pour apprivoiser le monde et ses turpitudes.

Tout au long de cette lecture on cherche l’intention, la direction et le but de l’auteur. Où veut en venir Jacques Michaud avec cette quinzaine de récits qui voltigent ici et là. J’ai dû me résoudre à l’anecdotique. Ce qui aurait pu s’avérer un agréable récit, devient un fatras de souvenirs mal ficelé.
«Son vaisseau débordait, il s’était même permis de faire un comble. Le jeu d’adresse n’était cependant pas terminé. Il lui fallait maintenant sortir de sa cache. Alors qu’il cherchait un appui solide où déposer le poids de sa jambe, un sifflement aigu fendit l’air, frappa le fond de l’horizon pour rebondir tout aussitôt. Marie-Claire, la cadette des sœurs, cria à s’en déchirer la voix. Jéal prit peur, perdit pied et, du même coup, la récolte de fruits qu’il tenait à la main. Le sifflement se répercuta à nouveau. Cette fois, il en reconnut la nature: le bruit de l’explosion de balles de calibre .22 retentissait au-dessus de sa tête.» (p.56)
Et ce n’est pas une fin pathétique qui sauve l’entreprise. Quand on nage dans l’enfance, il faut la manière. Le style, le rythme, la couleur et l’originalité manquent totalement à Jacques Michaud.
«Le souffle court et le cœur tremblotant, ils découvrirent la blancheur laiteuse de deux hémisphères qu’une ligne sombre et profonde réunit pour en faire tout à coup la face cachée de la lune.» (p.23)
Tant de mots pour expliquer que les deux petits garçons viennent de baisser leurs culottes sous la galerie. Ils découvrent leurs anatomies. Le lecteur ne peut qu’abdiquer devant une écriture qui a trop bouffé d’hormones.

«Sakka» de Jacques Michaud est édité aux Éditions Vents d’Ouest.

mardi 14 août 2001

Pauline Michel écrit à une vitesse folle

Pauline Michel a cru bon de demander un texte de présentation à Marie-Claire Blais pour «Le papillon de Vénus». Un procédé qui demeure périlleux parce que l'auteure se met beaucoup de poids sur les épaules. Le lecteur s'attend à s'aventurer dans un texte exceptionnel.
Pauline Michel possède le sens de l'image mais il en faut plus pour partir sur les traces d'«Alice au pays des merveilles». Si les débuts sont prometteurs, j’ai déchanté rapidement, hélas. Emma adulte perd de sa magie et devient une enfant un peu égarée que le monde écrase.
Le hic vient surtout du rythme donné au récit. Pauline Michel nous entraîne à une vitesse foudroyante dans le temps, ne nous permettant jamais de nous arrimer au personnage pour le sentir, le voir, le respirer et y croire. Emma reste une sorte d'image qui permet à l'auteure de jouer avec les phrases sans jamais s'attarder au dur labeur de construire un monde et de l'étoffer. Emma a cinq ans au début du récit et il faut à peine dix pages pour la retrouver à l'âge adulte, blessée par un grand amour et une déception qui ne la quittera plus.
«Emma passe quinze ans à vivre ainsi, sans autre présent que la contemplation de la nature et sans illusion sur l'avenir. Elle range sa vie dans la pénombre. Chaque chose à sa place et une place pour chaque chose. Des heures pour le travail. D'autres pour la danse. D'autres pour le chant. D'autres pour les rencontres. Le monde perd toujours plus de son pouvoir de beauté.»(p.25)
Le merveilleux ne gonfle pas et nous restons à la surface des choses. Le papillon qui mute nous fait songer aux voyages de Dorothy au pays du «Magicien d'Oz» ou à «Alice au pays des merveilles», mais rien de plus. Les chaussures sont grandes pour Emma qui n'a pas la force, la consistance qu'il faudrait pour suivre ces illustres fillettes qui se sont confrontées à des mondes magiques et toujours en mouvance. Bien sûr, il y aura la lumière, la connaissance peut-être, l'amour et la paix mais cela reste conceptuel et virtuel. «Le petit Prince» n'a pas à s'inquiéter, Emma ne viendra pas bouleverser sa planète. La fable tourne court et s'enlise dans des images un peu plaquées.
Il manque un fluide, une chaleur, une magie à ce texte, une folie peut-être qui va au-delà des phrases joliment sculptées.

«Le papillon de Vénus» de Pauline Michel est paru aux Éditions Vents d'Ouest.