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jeudi 27 septembre 2007

La grande aventure de la littérature québécoise (2)

«Histoire de la littérature québécoise», de Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge, démontre que certaines questions, pendant presque 500 ans, ont fait l’objet de débats. Les écrivains doivent-ils s’adresser à un lecteur étranger ou à un concitoyen d’ici? Quelle langue utiliser? Quelles valeurs privilégier? Il faudra attendre «Les Anciens Canadiens» de Philippe-Aubert de Gaspé pour trouver un livre fondateur qui s’adresse au lecteur québécois. Le genre, boudé jusqu’alors, connaîtra un succès, devenant le premier best-seller de l’histoire littéraire.
«Après un premier tirage de deux mille exemplaires écoulés en quelques mois, «Les Anciens Canadiens» est aussitôt réédité, tiré cette fois à cinq mille exemplaires. Une traduction anglaise paraît dès 1864 (par Georgiana M. Pennée) sous le titre «Canadians of Old», suivie d’une deuxième en 1890, par Charles G. D. Roberts qui modifiera le titre en 1905 (Cameroun of Lochiel). (p.123)
Les journaux joueront aussi un rôle crucial pendant ces escarmouches portant sur la langue littéraire. Des partisans réclameront une expression typique quand d’autres se conformeront au modèle parisien. Olivar Asselin, Arthur Buies, Jules Fournier, Claude-Henri Grignon, Henri Bourassa et André Laurendeau attiseront la polémique. Comment s’étonner alors que la littérature emprunte le chemin de l’histoire. Signalons le travail de François-Xavier Garneau et de Lionel Groulx, deux figures marquantes. Louis Dantin, Edmond de Nevers et Jean-Charles Harvey contestent ou approuvent les diktats que l’Église veut imposer.

Louis Hémon

Au début du siècle dernier, «Maria Chapdelaine» de Louis Hémon causera une véritable commotion qui hantera Félix-Antoine Savard et presque tous les auteurs. Le «roman de la terre» mobilisera Damase Potvin, le premier écrivain du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Léo-Paul Desrosiers, Ringuet et Antoine Gérin-Lajoie. Plus près de nous, Alfred Desrochers donnera une autre dimension à ce conflit en écrivant dans une langue à la fois populaire et recherchée.
Le joual, selon le terme trouvé par Claude-Henri Grignon pour parler de la langue des Québécois, aboutira à Michel Tremblay et à la pièce de théâtre «Les belles-sœurs». Ce sera la fin d’une controverse qui aura coloré l’histoire de la littérature québécoise. Jean-Paul Desbiens, le «frère Untel», né à Métabetchouan, écrira même un best-seller en pourfendant les défenseurs du joual. Plus près de nous, Victor-Lévy Beaulieu continue de défendre cette idée de créer une langue d’ici.
À partir des années 60, la littérature s’impose avec Gaston Miron et le groupe de l’Hexagone, la publication des revues «Liberté», «Parti pris» et «La Barre du jour». Roland Giguère, Paul-Marie Lapointe, Anne Hébert, Gabrielle Roy et Marie-Claire Blais survolent l’époque. Trente ans plus tard, les écrivains de best-sellers Marie Laberge et Yves Beauchemin écriront une nouvelle page de notre littérature.

Littérature de la région

Notons cependant, que quelques écrivains seulement du Saguenay-Lac-Saint-Jean trouvent une niche dans cette histoire de la littérature. Si les poètes Paul-Marie Lapointe et Gilbert Langevin retiennent l’attention, Michel Marc Bouchard, Daniel Danis et Larry Tremblay sont à peine mentionnés dans le volet théâtre. Les romancières Lise Tremblay et Élisabeth Vonarburg sont les seules à attirer l’attention des trois auteurs.
«La ville de Québec où vit l’héroïne du roman est bien réelle, mais c’est aussi «celle des livres de Poulin», comme le précise la narratrice. Le personnage marche ainsi dans les rues de la vieille ville en traînant partout «Le Cœur de la baleine bleue»», écrivent les historiens à propos du premier roman de Lise Tremblay, «L’hiver de pluie». Rappelons qu’elle recevait le titre de «Découverte de l’année» du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean avec cet ouvrage paru en 1990.
«Histoire de la littérature québécoise» est un ouvrage exceptionnel, un manuel incontournable qui, il faut le souhaiter, deviendra une référence dans tous les cégeps et les universités du Québec. La littérature avait besoin de cette oeuvre remarquable pour montrer sa diversité et son immense richesse.
Il reste peut-être à explorer notre littérature en mettant l’accent sur les régions. Le lecteur découvrirait des «littératures» qui se développent et se caractérisent selon «les pays du Québec».

«Histoire de la littérature québécoise», de Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge est paru chez Boréal Éditeur.

jeudi 20 septembre 2007

La grande aventure de la littérature québécoise (1)

Michel Biron

Élisabeth Nardout-Lafarge
Prétendre survoler la littérature du Québec, des débuts à nos jours, s’avère une aventure parsemée d’embûches. Où commencer, quel angle privilégier pour lui rendre justice et la mettre en valeur? Ce sont des questions que Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge, en compagnie de leurs nombreux collaborateurs, ont dû se poser tout au long d’un travail qui a demandé des années de réflexions et de recherches. Il faut s’attarder à l’index et à la bibliographie de cet ouvrage pour prendre conscience de la quantité impressionnante de lectures et de documents qu’ils ont dû parcourir.
Quand on évoque histoire, on s’attend à ce que les concepteurs dégagent les forces qui portent une littérature, prennent un recul pour faire le portrait des périodes envisagées. Le pari est risqué parce que nous survolons quasi cinq siècles d’histoire politique et sociale du Québec et du Canada, par ricochet.
Les auteurs ont dû respecter des balises sinon l’entreprise risquait de basculer dans la confusion.
«Nous avons essayé de combler cette lacune en nous basant sur trois grands principes: faire prédominer les textes sur les institutions ; proposer des lectures critiques; marquer les changements entre les conjonctures qui distinguent chacune des périodes», précisent les signataires de l’étude dans la préface.

Périodes

Cinq grandes périodes découpent ce travail colossal. Les écrits de la Nouvelle-France englobent les XVIe et XVIIe siècles. Les années 1763 à 1895 illustrent l’ancrage dans une réalité qui se modifie après la bataille des plaines d’Abraham et l’instauration du régime parlementaire britannique. Plus que jamais, après la Conquête, la question de l’identité s’impose. Les écrivains sont déchirés entre la volonté de créer une littérature «canadienne» ou se conformer au modèle venant de Paris. Le débat ne sera pas tranché avant la période contemporaine. Il y a la nation qu’il faut défendre contre les influences étrangères; l’histoire nationale qu’il faut écrire pour faire mentir Lord Durham. Comment élaborer une littérature purement «canadienne» sans risquer de «créoliser le français d’ici»? Faut-il coller au langage populaire qui a fait la vigueur du conte ou utiliser une langue parisienne qui risque de couper les écrivains de la population? Tradition ou modernité, régionalisme ou métropole? Ces questions préoccupent les auteurs jusque dans les années 60 où la question du joual éclate autour «Des belles-sœurs» de Michel Tremblay, engendrant des polémiques qui feront le bonheur des médias. Cette quête d’une spécificité «américaine» disparaîtra à partir des années 80 avec l’arrivée d’écrivains immigrants qui font sauter les frontières de l’imaginaire québécois.

Et la nation

La littérature n’est jamais imperméable aux soubresauts politiques qui mobilisent les classes dirigeantes. Certaines thématiques traversent les époques. Jusque dans les années quatre-vingt, la question de la nation ou du pays reste obsédante dans la poésie et le roman. Biron, Dumont et Nardout-Lafarge font aussi quelques incursions du côté du Montréal anglophone pour établir des parallèles et donner un éclairage particulier.
«L’histoire de la littérature québécoise» démontre que certains débats perdurent même si la littérature au Québec est foisonnante et particulièrement diversifiée depuis les années 80. Notre corpus littéraire est vivant et couvre tous les genres bien qu’il soit de plus en plus marginalisé dans les médias, l’enseignement et Internet.
Ce survol de près de 700 pages bien tassées, agrémenté de photographies des principales figures qui marquent chacune des époques, permet au lecteur de franchir les siècles sans s’égarer, de vivre les soubresauts qui mènent à une écriture originale et typique, à l’élaboration d’une pensée marquée par des hésitations, des blocages, des peurs et les diktats de l’Église.
Cette oeuvre, à la fois littéraire, sociologique et politique, est un pur bonheur qui ne se dément jamais. Oui, la littérature n’est jamais gratuite et désincarnée même si certaines oeuvres peuvent sembler « un regard et un jeu dans l’espace » pour faire un clin d’œil à Saint-Denys Garneau. Le travail de Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge devient le roman de l’écrit au Québec.

« Histoire de la littérature québécoise », de Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge est paru chez Boréal Éditeur.