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dimanche 14 août 2005

Mélanie Saint-Laurent ou la mort du texte


Yves Boisvert, avec sa complice Dyane Gagnon, offre une suite à «La pensée niaiseuse», un livre «à peu près impossible à lire», écrivais-je dans une mouture antérieure de «Lettres québécoises».
Une vingtaine de personnes ont accepté «de taper» des textes de Boisvert sur des dactylos différentes. Des anciennes comme des plus modernes. L’événement n’est pas sans rappeler une performance musicale de Raoul Duguay, il y a des décennies, dans le métro de Montréal. Ce cliquetis collectif s’est tenu dans la bonne humeur, à Sherbrooke, n’en doutons pas.
L’aventure donne une topographie et un aspect particuliers pour chacun des textes. L’unité du livre est continuellement cassée et chacun des poèmes s’impose par sa provenance ou sa source mécanique. Voilà la première partie de «Mélanie Saint-Laurent». Une présentation, toujours en page de gauche, respecte le travail initial, corrections et ratures comprises et suggère la naissance du texte.

Épopée


Le lecteur est convié à plonger dans l’étrange épopée de Mélanie Saint-Laurent, à rencontrer sa mère et ses pères successifs qui n’ont pas que des attentions paternelles. Deux amis également. Cinquante textes environ, des poèmes inégaux, des éclats intéressants, mais le plus souvent insignifiants. Avec en plus, une glose qui nous expulse du texte à chaque détour. Une lecture toujours à recommencer. Comme à la télévision avec ses couperets publicitaires.
«Son dentier lui décolle systématiquement des gencives
Quéclaque quéclaque quéclaque
À quoi je lui grogne de la répugnance
L’homme se gratte la gerçure avec un coupe-ongle
J’aspire donc à lui ramener la nuque au menton.»

Au centre, un texte plus soutenu où Mélanie règle ses comptes. Encore là, les fioritures font de cette prose une course à obstacles. La glose ferme la traversée.
Yves Boisvert ne semble plus croire à l’écriture et il se noie dans l’artifice depuis un bon moment. On peut glaner, s’amuser ici et là dans «Mélanie Saint-Laurent» mais autant renoncer à toute lecture. Peut-être est-ce là ce que recherche l’auteur… Dérouter le lecteur, le malmener et l’empêcher de vivre l’expérience de la lecture? Un gros livre indigeste même si, visuellement, il demeure attirant. Mais suffit-il à un livre d’être un bel objet? Allons-nous vers des formes ou nous parlerons d’objets à caractère littéraire? Bien sûr, il s’agit d’un livre d’art mais faut-il pour autant en évacuer le sens? Étrange entreprise…

«Mélanie Saint-Laurent» d’Yves Boisvert et Dyane Gagnon a été publié aux Éditions d’art Le Sabord, collection Carré magique.

samedi 14 décembre 2002

Boisvert et Gagnon surprennent et étonnent

Yves Boisvert plonge dans un monde tellement familier qu'il en devient étrange. «La pensée niaiseuse» étonne par sa dimension, son amplitude et ses intentions. Une suite de réflexions et de questionnements sur le quotidien de la réalité québécoise. Tout est produit publicitaire dans notre monde numérique et virtuel. Yves Boisvert et Dyane Gagnon sont partis de ce principe pour explorer des idées et des clichés mille fois entendus dans ce Québec qui n'en finit plus d'osciller entre l'état de province «komlèzôtes» et d’élans référendaires.
Prenant prétexte à une fable, celle du comte d'Hydro qui rêve d'électrifier le Québec dans ses moindres espaces, Boisvert se fait redresseur de vérités et pourfendeur d'idées reçues. Il attaque, secoue le politique pour en faire du poétique. Il ne recule devant rien, martelant les pires outrances et les pires sophismes. La publicité doit marquer, toucher les pulsions. «La pensée niaiseuse» se donne tous les droits et toutes les obligations.
Que dire devant les jeux questionnaires, les démonstrations tordues, la fausse facture d'Hydro-Québec. Boisvert et Gagnon bousculent, manipulent, tordent les faits pour arriver au but. Il faut convaincre et vendre. Ce travail resterait banal et indigeste si nous n'avions l'oeuvre d'art. Tout le livre prend son sens dans le travail de Dyane Gagnon. Elle a poussé le concept marchand et publicitaire dans ses derniers retranchements, recyclant, réinventant des images connues et tellement diffusées qu'elles en sont devenues invisibles.

Comment lire

Il s'avère à peu près impossible de lire ce livre. On le regarde, le feuillette pour chercher la référence et le clin d'oeil. Nous avons l'impression de parcourir un palimpseste publicitaire. Ici la forme porte le message et le message invente la forme. L'oeil surtout est sollicité. Dyane Gagnon a réalisé un travail exceptionnel, mené à terme une entreprise terriblement exigeante.
Très fortement inspiré du pop art, nous allons de découvertes en trouvailles, de petites surprises en étonnements. Même que plusieurs pages ont été vendues et payées par des artistes et des individus. Certains sont connus.
Amusant, cinglant,
«La pensée niaiseuse» se visite comme un album. Je me suis attardé aux détails, me laissant emporter pour revenir, m’attarder et sourire. Il faut se faire maraudeur pour apprécier ce travail exceptionnel.
Un ouvrage étonnant, détonant, outrancier mais fort sympathique. Yves Boisvert et Dyane Gagnon signent une grande réalisation. Ils fouillent le monde de la publicité dans ce qu'il a de plus bête pour en faire un art. Parole de comte d'Hydro!

«La pensée niaiseuse» d’Yves Boisvert et Dyane Gagnon est paru aux Éditions d'art le Sabord.