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dimanche 14 avril 2002

Aristote Kavungu passe à côté de son sujet

Avec «L'adieu à San Salvador», Aristote Kavungu nous plonge dans un pays mal nommé que l'on sait être l'Angola qui menait une guerre de libération contre le Portugal. Emmanuel, le dernier fils, vit l'exil en compagnie de la mère. Il est né dans ce pays d'attente. Pourtant, il partage le désir de la mère. Ils retourneront, ils reviendront vers la terre sacrée dans une sorte de marche triomphale. Ils rentreront un jour. Mais les guerres sont souvent imprévisibles, elles ont aussi la mauvaise habitude de durer trop longtemps. Le retour tarde, le départ se fait improbable. Une guerre succède à une autre guerre.
Ce désir de la «marche triomphale» marque le récit d'Aristote Kavungu, le martèle, devient l'élément qui donne sens à la vie et à l'écriture.
«Jusque de l'autre côté de la frontière, fouler le sol où tout le monde aurait voulu naître; je l'aurais considéré comme une récompense pour l'ensemble de mon oeuvre, souvent synonyme de disparition prochaine, en temps normal. Mais le chemin était encore long, long et semé d'embûches de toutes sortes, je n'étais pas dupe.» ( p.15)
La maladie frappe la mère et la pousse dans une direction d'où l'on ne revient pas. Emmanuel tente de porter le rêve, de croire qu'ils retourneront dans cette patrie qui se nourrit du corps et du sang de ses frères. Il y croit et il n'y croit plus. Le plus terrible de l'exil, c'est peut-être l'oubli de ses rêves et se voir devenir un étranger à sa mère.
Ce qui pouvait donner un livre magnifique devient rapidement une longue diatribe où Aristote Kavungu se plaît à «faire de l'esprit», à flirter avec un humour qui tombe toujours à plat. 

Dialectique

Il oublie son sujet et se jette dans une dialectique creuse et stérile. Aristote Kavungu s'acharne mais ses considérations philosophiques ou sociologiques ne servent qu'à gonfler un ego incapable de compassion et d'empathie. On hausse les épaules et cette fausse complicité qu'il tente d'établir avec le lecteur ne marche jamais.
«J'en étais venu donc à ajouter à la définition de la passivité qu'elle était également l'évidence de l'impossibilité à présenter une plaidoirie en faveur de la vie. D'ailleurs, c'était fini, plus personne ne pouvait croire la plaidoirie d'une folle, elle n'avait qu'à aller se rhabiller car je me permets de vous souffler, de vous à moi, que chez moi, deux fous sur trois sont allergiques aux vêtements et personne n'y trouve à redire.» (p.57)
Fausses confidences, réflexions oiseuses, nous oublions la mère, perdons de vue la guerre et les frères engagés dans la tuerie. Le plus terrible, c'est le cynisme d'Aristote Kavungu. On voudrait un peu de compassion pour ces humains qui se font charcuter dans des folies qui ne semblent jamais vouloir prendre fin, ces mères qui gardent espoir malgré la mort qui les couche du mauvais bord de la vie. En vain! L'auteur s'enfonce. Le récit reste fastidieux et ampoulé. Une écriture un peu vieillotte et maladroite finit par tout gâcher.

«L'adieu à San Salvador» d’Aristote Kavungu est paru aux Éditions L'Interligne, 2001.