Aucun message portant le libellé Laferrière Dany. Afficher tous les messages
Aucun message portant le libellé Laferrière Dany. Afficher tous les messages

mercredi 1 février 2012

Dany Laferrière revient à Haïti

Dany Laferrière écrivait après le tremblement de terre qui frappait Haïti le 12 janvier 2010, une première version de Tout tremble autour de moi. Une réaction à vif qui nous montrait un homme ébranlé par le désastre qui venait de dévaster son pays.
Un an plus tard, il donnait une version revue et augmentée de ce récit. Il est normal de revenir sur un événement qui a changé sa vie. Laferrière a eu beau quitter Haïti il y a des décennies, ce pays ne l’a pas largué pour autant. Les souvenirs, l’enfance et les racines sont là-bas, dans sa famille. J’y ai retrouvé la mère, la tante Renée, le neveu et des personnages qui constituent l’univers particulier de cet écrivain.
Dans cette seconde mouture, les événements sont les mêmes. Ou à peu près. L’hôtel Karibe où il se trouvait alors avec Rodney Saint-Éloi, l’éditeur et ami. Il était 16h53 et le monde s’est fracturé.
«Un grand nombre de gens étaient encore pris dans les embouteillages monstres qui paralysent Port-au-Prince aux heurs de pointe. Toute cette agitation s’est brusquement arrêtée à 16h53. Le moment fatal qui a coupé le temps haïtien en deux.» (p.17)
Une nuit à la belle étoile avec la peur, l’attente, le doute. Le matin aussi, comme une résurrection et la conscience de l’ampleur du désastre qui a soufflé la ville et le pays.
«C’est le jour. On se réveille lentement. Certains dorment encore. Surtout ceux qui ont veillé toute la nuit. La nuit fait peur. Le jour rassure. On a tort, car c’est en plein jour que tout s’est passé.» (p.21)

Distance

Dany Laferrière, dans cette nouvelle mouture, repousse l’émotion pour tenter de saisir ce qu’il y a de changé en Haïti. Des souvenirs s’imposent. S’il a quitté rapidement après le désastre, il revient pour les funérailles de sa tante Renée.
«Ma sœur m’annonce la mort de tante Renée. J’achète un billet d’avion pour le lendemain. Je passe du virtuel au réel. De la télé qui m’assomme à une réalité où je m’embourbe. Un petit serrement de cœur au moment de l’atterrissage. Beaucoup d’avions américains sur la piste. On dirait un pays occupé. Je vois par le hublot des tentes bleues un peu partout. Les gens refusent de dormir dans les maisons qui sont peut-être fissurées. S’ils dorment à l’intérieur ils gardent les portes ouvertes, avec leurs effets personnels à portée de main. Ils se tiennent prêts à courir à la moindre alerte.» (p.66)
Tout comme si Laferrière ne s’était jamais éloigné de Port-au-Prince. La mort ramène toujours aux origines. Le décès de son père provoquait un même parcours dans L’énigme du retour.
Famille

Ce second séjour permet à l’écrivain de s’attarder auprès de sa mère qui fait face à la vieillesse avec courage, cette tante qui vient de mourir. Une femme un peu énigmatique qui préférait la vie dans les livres à la réalité. Elle portait un amour inconditionnel à l’écrivain Stephan Zweig.
Une belle manière de retrouver ceux qui ont vécu l’événement. Malgré le sinistre et les morts, la vie continue. C’est ce qui fait que l’on rebâtira une ville sur les ruines de l’ancienne, cherchant à retrouver la cité d’avant. Les humains sont ainsi. Ils pensent réinventer le monde en corrigeant si peu les images anciennes.
Une nouvelle version fort intéressante, passionnante de justesse et de réflexions. Pourtant, j’ai recherché tout au long de ma lecture l’urgence, le tremblement intérieur de la première mouture, cette nervosité qui le faisait aller dans toutes les directions. Cette magie est disparue pour laisser place à un homme qui prend du recul même s’il a du mal à se contenir parfois.
J«’ai eu peur à la seconde secousse, presque aussi forte que la première. Elle est arrivée juste au moment où je retrouvais mon esprit. Juste à l’instant où je pensais m’être tiré d’affaire, je reçus cette seconde secousse comme un coup derrière la tête. J’ai compris alors que ce n’était pas du théâtre. Que les acteurs n’allaient pas se relever pour les applaudissements.» (p.62)
Bien sûr, ce nouveau récit vise plus large, creuse plus profond, mais…le désarroi n’est pas le même.
Dany Laferrière y reviendra peut-être. On ne voit pas son pays s’effriter sans être profondément bouleversé. C’est comme si de grands pans de sa vie s’étaient écroulés en quelques secondes.


«Tout bouge autour de moi» de Dany Laferrière est paru aux Éditions Mémoire d’encrier,     

mercredi 15 décembre 2010

Dany Laferrière raconte le drame d'Haïti

Le 12 janvier 2010, la terre tremblait en Haïti, faisant des centaines de milliers de morts. En quelques secondes, ce pays retournait à l’âge de pierre.
Dany Laferrière était à Port-au-Prince. Dans «Tout bouge autour de moi», il raconte la peur, la crainte du pire pendant cette catastrophe.
«La terre s’est mise à onduler comme une feuille de papier que le vent emporte. Bruits sourds des immeubles en train de s’agenouiller. Ils n’explosent pas. Ils implosent, emprisonnant les gens dans leur ventre. Soudain, on voit s’élever dans le ciel d’après-midi un nuage de poussière. Comme si un dynamiteur professionnel avait reçu la commande expresse de détruire une ville entière sans encombrer les rues afin que les gens puissent circuler.» (p.19)
Pas d’électricité, de téléphone et Internet reste muet. Que les étoiles dans le ciel. Et puis l’aube après une nuit interminable. La mère et la sœur de l’écrivain sont sauves, son neveu aussi.
Dany Laferrière part dans les rues, rencontre des hommes et des femmes. Tous sont calmes malgré le chaos, la crainte que tout recommence. Ils sont vivants et la vie est précieuse quand la mort est partout.

Ruines

Les médias ont montré les ruines et les morts alignés dans les rues, les victimes sous les débris. Les images frappent au cœur et au cerveau. Dany Laferrière, sous les conseils d’amis, rentre au Canada. Le lauréat du prix Médicis avec «L’énigme du retour» devient la voix de son pays. Il raconte son expérience, le courage de son peuple. Il le fait au Québec, aux États-Unis et en Europe. Partout il écrit frénétiquement pour exorciser le malheur peut-être. Souvent l’écrivain n’arrive à saisir la réalité qu’en se collant aux mots et aux phrases. «J’écris ici pour ceux qui n’écrivent pas», dit-il.
Des images reviennent jour et nuit à la télévision, des scènes d’horreur, les morts, les survivants qui demandent de l’aide. Les caméras cherchent les pillages qui n’arrivent pas. Laferrière ne peut se détacher du petit écran. Ces scènes deviennent plus obsédantes que la réalité qu’il a vécue. Il sait que son peuple a soif et faim. Tous errent dans les rues. Tout ce qui faisait la vie avant a été balayé.

Recul

L’écrivain tente de prendre du recul. Que peut être l’avenir de ce peuple d’artistes, de peintres et de poètes? Il emprunte des pistes, mais les moments qui ont bouleversé sa vie ne le lâchent pas.
«Mais pendant dix secondes, ces terribles dix secondes, j’ai perdu tout ce que j’avais si péniblement appris tout au long de ma vie. Le vernis de la civilisation qu’on m’a inculqué est parti en poussière. Comme cette ville où j’étais. Tout cela a duré dix secondes. Est-ce le poids réel de la civilisation ? Pendant dix secondes, j’étais un arbre, une pierre, un nuage ou le séisme lui-même. Ce qui est sûr, c’est que je n’étais plus le produit d’une culture. J’étais dans le cosmos. Les plus précieuses secondes de ma vie.»  (p.141)
La bousculade des médias s’est déplacée vers une autre catastrophe. Heureusement, il reste les mots de Dany Laferrière pour nous rappeler le drame d’Haïti, ce peuple qui a vu l’avenir s’écrouler en quelques secondes. Un témoignage nécessaire.

«Tout bouge autour de moi» de Dany Laferrière est paru aux Éditions Mémoire d’encrier.

dimanche 25 juillet 2010

Dany Laferrière n’oublie pas janvier 2010

Le 12 janvier 2010, la terre tremblait en Haïti. En quelques secondes, ce pays retournait à l’âge de pierre, détruisant à peu près tout, faisant des centaines de milliers de morts. Un coup de massue inimaginable.
Dany Laferrière, dans «Tout bouge autour de moi», raconte ce qu’il a ressenti pendant cette catastrophe. La peur bien sûr, la crainte du pire. Le sol ne cessait de bouger, pris de fièvre. Et il y a sa mère et sa sœur dont il était sans nouvelle. Que le noir, le silence inhabituel, la nuit chaude et oppressante. L’impression d’être hors du monde.
«La terre s’est mise à onduler comme une feuille de papier que le vent emporte. Bruits sourds des immeubles en train de s’agenouiller. Ils n’explosent pas. Ils implosent, emprisonnant les gens dans leur ventre. Soudain, on voit s’élever dans le ciel d’après-midi un nuage de poussière. Comme si un dynamiteur professionnel avait reçu la commande expresse de détruire une ville entière sans encombrer les rues afin que les gens puissent circuler.» (p.19)
Pas d’électricité, de téléphone et d’Internet. Que les étoiles dans le ciel. Et puis l’aube après une nuit interminable. La mère et la sœur de l’écrivain ont été épargnées, son neveu aussi.
Dany Laferrière circule dans les rues, rencontre des hommes et des femmes. Ils sont calmes devant la fatalité. La vie est là, mille fois plus précieuse. Tellement forte.

Médias

Les médias ont débarqué, montrant les ruines et les morts alignés dans les rues, les victimes sous les débris. Les images frappent le cœur et le cerveau. Dany Laferrière, sous les conseils de  ses amis, rentre au Canada.
«Il n’y a pas que les Haïtiens d’ici, il y a aussi ceux qui sont à l’étranger, ils doivent savoir ce qui s’est passé. Par quelqu’un en qui ils ont confiance, un des leurs qui a vécu ça. Ils veulent l’entendre dans leurs mots et selon leur sensibilité. Déjà en période calme, ils se méfient de la manière dont la presse internationale parle d’Haïti (un peuple de miséreux), tu crois qu’ils vont les croire aujourd’hui? Tu auras toutes les tribunes disponibles et ta voix pourra équilibrer les choses.» (p.87)
Le lauréat du prix Médicis avec «L’énigme du retour» devient la voix d’Haïti. Il raconte son expérience, le courage de son peuple. Il le fait au Québec, aux États-Unis et en Europe. Partout il écrit, incapable de s’arrêter. Il est pris d’une frénésie. Pour exorciser le malheur peut-être. L’écrivain n’arrive souvent à saisir la réalité qu’en bousculant les mots et les phrases. «J’écris ici pour ceux qui n’écrivent pas.»

Médias

Des images reviennent jour et nuit à la télévision, des scènes d’horreur, les morts, les survivants qui attendent de l’aide. Les caméras cherchent à marquer l’imaginaire, les pillages qui n’arrivent pas. Il ne peut se détacher du petit écran. Ces scènes deviennent plus obsédantes que la réalité qu’il a vécue. Il explique le combat de son peuple pour de l’eau et un peu de nourriture. Tous sont dans la rue. Ils ont tout perdu. Tout ce qui faisait la vie avant n’est plus possible.
Dany Laferrière tente de prendre un certain recul. Que sera l’avenir de ce pays, de ce peuple d’artistes, de peintres et de poètes? Il explore des pistes, mais les moments qui ont bouleversé sa vie ne le lâchent pas.
«Mais pendant dix secondes, ces terribles dix secondes, j’ai perdu tout ce que j’avais si péniblement appris tout au long de ma vie. Le vernis de la civilisation qu’on m’a inculqué est parti en poussière. Comme cette ville où j’étais. Tout cela a duré dix secondes. Est-ce le poids réel de la civilisation ? Pendant dix secondes, j’étais un arbre, une pierre, un nuage ou le séisme lui-même. Ce qui est sûr, c’est que je n’étais plus le produit d’une culture. J’étais dans le cosmos. Les plus précieuses secondes de ma vie.» (p.141)
Maintenant, la bousculade des médias s’est déplacée ailleurs, pour une autre catastrophe. Heureusement, il reste les mots de Dany Laferrière pour nous rappeler ce drame. Particulièrement touchant. Un témoignage qui laisse sans voix.

«Tout bouge autour de moi» de Dany Laferrière est publié chez Mémoire d’encrier. 

dimanche 1 novembre 2009

Dany Laferrière retrouve son pays


«La nouvelle coupe la nuit en deux. L’appel téléphonique fatal que tout homme d’âge mûr reçoit un jour. Mon père vient de mourir.» (p.13)
Commence alors pour Dany Laferrière le périple du retour qui le ramène en Haïti. L’écrivain a peu connu son père qui a quitté son île pour échapper aux tontons macoutes. Réfugié à New York, il s’est refait une vie loin des siens et de sa famille.
«J’avais frappé à sa porte il y a quelques années. Il n’avait pas répondu. Je savais qu’il était dans la chambre. Je l’entendais respirer bruyamment derrière la porte. Comme j’avais fait le voyage depuis Montréal j’ai insisté. Je l’entends encore hurler qu’il n’a jamais eu d’enfant, ni de femme, ni de pays.» (p.66)
Qui est l’homme qui a dû partir à cause de ses idées et de ses activités politiques? Tout se bouscule dans la tête du romancier qui devait lui aussi suive ses traces. Des vies parallèles, l’un à New York, l’autre à Montréal.
«Mon père vivait dans une petite chambre presque vide que mes oncles m’ont fait visiter après l’enterrement sous la pluie dans ce cimetière de Brooklyn. Il s’était, vers la fin, dépouillé de tout. Il fut toute sa vie un solitaire malgré le fait que ses activités politiques le poussaient vers les gens.» (p.65)

Le retour

Après les rituels et les derniers hommages, le romancier se retrouve à Port-au-Prince avec sa mère et sa sœur, un neveu qui veut devenir écrivain.
«J’ai pris toutes les précautions du monde pour annoncer à ma mère la mort de mon père. Elle a d’abord fait la sourde oreille. Puis s’est fâchée contre le messager. La distance est si fine entre la longue absence et la mort que je ne me suis pas assez méfié de l’impact de la nouvelle sur les nerfs de ma mère.» (p.112)
Cette femme a cultivé l’espoir de retrouver son mari tout en refusant de quitter Port-au-Prince. À cause des enfants et peut-être aussi par crainte de l’étranger même si la vie en Haïti demeure dangereuse. Duvalier est parti, mais la situation n’a guère changé.
«Les vrais maîtres de ce pays, on ne les voit jamais. Pour eux, c’est une histoire sans rupture. D’un seul tenant. Ils veillent au grain depuis la fin de l’époque coloniale. C’est toujours la même histoire : un groupe remplace un autre, et ainsi de suite. Si tu crois qu’il y a un passé, un présent et un futur, tu te mets un doigt long comme ça dans l’œil. L’argent existe, pas le temps.» (p.223)
Dany Laferrière qui s’installait à Montréal, il y a plus de trente ans, a perdu bien des illusions. Il reconnaît des lieux, des visages, mais il n’est plus chez lui.

La quête

L’écrivain rencontre des amis de son père, glane ici et là des anecdotes, mais n’arrive pas à percer le brouillard. Pas plus qu’il n’arrive à renouer avec sa jeunesse et son enfance. Il est devenu un autre dans le pays du froid. La vie est mouvement. Pire. Il est devenu étranger. C’est peut-être le châtiment le plus terrible pour celui qui doit abandonner son pays.
Dany Laferrière se montre sous son meilleur jour dans «L’énigme du retour». Un roman vrai, chaud et plein de tendresse. L’écrivain témoigne de ce farouche instinct de vie qui anime la population haïtienne, cette rage de survivre, d’aimer, de se relever peut-être pour croire au présent.
La forme surprend un peu au début. La phrase prend l’apparence du poème, peut-être pour dégager l’atmosphère qui peut devenir lourde quand on se bute à ses souvenirs, à des proches que l’on ne reconnaît plus. Réflexions sur la vie, la mort, l’exil et l’écriture, les racines et la filialité, ce roman parle particulièrement à un Québécois qui n’en a pas fini avec la question de l’identité.
Dany Laferrière questionne l’exil qui condamne des individus à n’être plus que des déracinés, des êtres qui ont l’impression d’avoir vécu à côté de soi. Toujours juste et émouvant, pas étonnant que «L’énigme du retour» soit en lice pour plusieurs prix littéraires.

«L’énigme du retour» de Dany Laferrière est paru aux Éditions Boréal.

samedi 12 juillet 2008

Dany Laferrière se regarde aller

Dany Laferrière est devenu, au fil des ans, l’écrivain que l’on voit partout et qui a réponse à tout. Il est le romancier officiel des médias du Québec en quelque sorte. Je l’ai entendu expliquer les tensions séculaires et historiques entre les villes de Québec et Montréal, le phénomène Maurice Richard, s’étendre sur la nomination de Michaëlle Jean comme Gouverneure générale du Canada et commenter l’actualité. Il peut se contredire dans une phrase, proférer des énormités, se reprendre dans un rire et emberlificoter tout le monde. C’est le même écrivain qui promettait, il y a quelques années, de ne plus écrire après avoir signé une dizaine d’ouvrages. Cela ne l’a pas empêché de reprendre certains de ses titres et de les gonfler de plusieurs pages.
En avril dernier, il lançait «Je suis un écrivain japonais». L’auteur du magnifique «Le Cri des oiseaux fous» y effleure la question de l’identité, un sujet délicat qui a fait frémir bien des Québécois au cours de la dernière année. En ces temps d’accommodation raisonnable et de Commission Bouchard-Taylor, il tombait pile. On était en droit de souhaiter une réflexion originale. On le sait, Laferrière aime bien nager contre le courant.
Eh, bien non, le cinéaste à ses heures se contente de pirouettes et de clichés déconcertants. Oubliez le Japon! Il ne connaît rien à ce pays sauf les écrivains Mishima et Basho. Il lui fallait un bon titre. Tout est là! Un coup de marketing!
«Quel que soit le livre, ce sont ces mots qui le représenteront. Ce sont ces mots que l’on verra le plus souvent. Pour les autres, il faudra ouvrir le livre. Alors que ces mots seront toujours là sous nos yeux. Ils contiendront tous les autres mots du livre. Pas besoin de relire le livre de Garcia Marquez, il suffit de dire «Cent ans de solitude» ou «À la recherche du temps perdu» s’il s’agit de Proust… » (p.13)

Paresse

Laferrière lance des idées prometteuses, mais ne s’attarde pas pour dégager une pensée originale. Un roman qui devient la copie de ces émissions de télévision où les invités défilent. On y aborde tous les sujets sans jamais reprendre son souffle. Quand cela risque d’être intéressant, vite il faut passer à autre chose.
L’écrivain effleure pourtant une question importante pour les petites nations qui peuvent disparaître devant la culture commerciale qui s’impose partout dans le monde. Le droit à la différence, à l’identité, à sa culture, tout cela est lancé pêle-mêle. Il se contente de hausser les épaules. Son ego est tel qu’il est au-delà de tous les nationalismes. Cela l’agace et il a même du mal avec ses origines caribéennes. Comme si la littérature pouvait s’épanouir sans ancrage et sans terreau national. 
«Même moi, je n’arrive pas à démêler chez moi le vrai du faux. C’est que je ne fais aucune différence entre ces ceux choses.» (p.24)
Tout est permis alors. Et tout ce qu’il dit, faut-il le prendre au sérieux?
«Je crée un univers, et je n’ai pas l’intention de le partager. J’ai quelques noms de filles, un titre, des voix, une ville que je connais trop bien, et une que je ne connais pas. Je n’ai besoin de rien d’autre pour faire un roman.» (p. 248)

Hésitation

J’ai lutté tout au long de cette lecture, mais Dany Laferrière est ratoureux. Comme j’allais refermer le livre, une réflexion sur l’écriture me happait. Comme ça jusqu’à la fin, même si j’ai eu l’impression que rien ne commence et que rien ne se termine dans cette filière japonaise.
«J’écris vite aussi. Peut-être mal, mais toujours vite. J’affirme être le meilleur sprinter de ma génération. On devrait me croire sur parole, car tout le monde ne cultive pas pareille audace. Dire qu’il est le meilleur. Dans les autres métiers, oui, mais en littérature.» (p.253)
Un texte qui se regarde aller, baveux aussi et souvent insipide. Dany Laferrière ne sera jamais un écrivain japonais, mais il habite le pays de son nombril. C’est peut-être là le problème. Il oublie dans ce roman que l’essence de la littérature est de s’attarder et de défaire les clichés, d’aller au-delà pour trouver un regard original et universel. En ce sens, Dany Laferrière tient sa promesse. Il n’a pas écrit de nouveau roman.

«Je suis un écrivain japonais» de Dany Laferrière est publié chez Boréal Éditeur