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dimanche 12 décembre 1999

Paul M. Marchand a perdu les pédales

Paul M. Marchand a été correspondant de guerre. En 1997, il publiait chez Lanctôt Éditeur un premier récit: «Sympathie pour le diable». Sa vie à Beyrouth et à Sarajevo, comme témoin de la guerre, apparaît en filigrane. Un livre un peu déroutant, hétéroclite, verbeux à souhait qui offrait un aspect de la guerre. Dans un second récit, «Sympathie pour le diable II Morituri te salutant», Paul M. Marchand revient sur le sujet, sur cette blessure qui l'a ramené sur terre. Oublions l'ordre chronologique, les explications qui nous feraient comprendre ces affrontements guerriers. L'impartialité du journaliste ne tient plus avec Paul M. Marchand. Il se situe au-delà de tout. Il est un agissant, un provocateur qui mène son propre combat, défie la mort pour sentir en lui toute la puissance du vivant qui se croit invulnérable. Il flotte, ce chevalier de l'Apocalypse, semblable à ce général cinglé d'«Apocalypse now» qui fait jouer la Walkyrie de Richard Wagner en larguant des bombes sur les villages vietnamiens. Avec Paul M. Marchand, nous sommes «au-delà du bien et du mal». Plus aucune loi ne subsiste. Nous affrontons l'animal, la bête qui ne cherche et ne veut que la mort de l'autre parce qu'il est l'autre.

Défi

Paul M. Marchand fait la guerre à sa manière, défie les tireurs, fonce à toute vitesse dans Beyrouth pour se sentir invulnérable et plus vivant que vivant. Il ira même jusqu'à narguer les tireurs, s'offrant comme cible, pendant toute une chanson de Mike Jagger. Défi, étourderie d'adolescent qui, par fanfaronnade, tente le diable jusqu'à ce qu'une balle lui rappelle qu'il est humain. Rien d'autre.
«Il y eut un éclair brisant. Aveuglant soleil blanc comme un flash gavé de magnésium, acéré et suramplifié d'une luminescence intempérée. L'intérieur de la voiture s'étira pour résorber sa constellation prisonnière. Dans la lumière magnifiée, une explosion mate, assourdie, précocement éventée, sécréta des ondulations spasmodiques en rumeurs de dégâts fulgurants. Calquée sur l'éblouissement, la détonation fut incisive, inédite. Des myriades de fissures étincelantes grêlèrent ma vue et griffaient mes rétines.» (pp.79-80)
Le livre n'est pas sans intérêt. Parfois, au détour d'une rue, derrière un tas de gravats, le lecteur est ébloui. Une complicité se dégage au coeur même de l'enfer. On s'attendrit sur ce guerrier solitaire qui, tout en visant tout ce qu'il y a de vivant devant lui, récite de la poésie. Bouffée surréaliste. Que dire aussi de ce «Cimetière au lion» qui, de véritable havre de verdure qu'il était, devient charnier envahi par les morts qui s'entassent et s'empilent.
Image choc de la guerre.
Quelques réflexions sur le travail du journaliste, sur le sens de l'histoire, quelques confidences sur sa vie mais surtout des pages et des pages où Paul M. Marchand étale sa suffisance, son mépris et son dédain pour l'humanité. Il est de la caste des élus et les militaires, les fonctionnaires, les journalistes qui s'agitent autour de lui ne sont que des minables. Personne n'échappe à la vindicte de Paul M. Marchand. Il a la gâchette rapide et rate rarement sa cible.
«Ces pitoyables comiques, formatés pour orbiter comme des mollusques autour des porte-parole officiels et recracher en petits télégraphistes domestiqués leurs divers comptes rendus institutionnalisés, lorsqu'ils réintègrent leurs rédactions après leur visite guidée.» (p.68)

Écriture

Récit publié dans la collection J'ai Lu
Mais plus que tout, ce qui détourne de ce récit, c'est l'écriture de Paul M. Marchand. Un style gonflé qui abuse de l'adjectif et de l'épithète jusqu'à l'indigestion. «L'érection du fusil flancha vers le sol», «en bâillon dans une bouche à cris», «en liasse de langages ailés» «les coeurs percutants qui affrontent ma netteté focale». De quoi étourdir.
«J'arpentais en équilibre ébréché des sentiers explosifs entre les foules solitaires de maisons orphelines. Les émincés de charpentes, de murs, de balcons, de proches, suggéraient une logique de passions, une logique de périls. Toutes les ruines étaient arrêtées, mais les effrois passés toujours tourbillonnants, épouvantés de leur propre immortalité.» (p.21)
La modération aurait bien meilleur goût dans un tel récit. Pour quelques moments de grâce, nous devons subir cette écriture gavée aux stéroïdes. Et de grâce, qu'on ne compare pas Paul. M. Marchand à Ernest Hemingway. S'il vous plaît...

«Sympathie pour le diable II, Morituri te salutant» de Paul M. Marchand est paru chez Lanctôt Éditeur.