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dimanche 10 mars 2013

Christine O’Doherty décide de changer de vie



Une belle histoire d’amitiés entre filles nous attend dans «Le pont de l’Île» de Christine O’Doherty, des réflexions sur ce qui donne du poids à l’existence sans jamais devenir abstrait ou cérébral. Un roman sain et bellement vigoureux, une plongée en soi qui nous ramène vers l’essentiel. Une belle découverte ce premier roman.

Qu’on le veuille ou non, arrive un moment où plus rien ne va. Tout ce à quoi nous tenions semble futile. Les amours, la vie de couple, le travail, les amis, tout devient factice. La crise de la quarantaine, explique les psychologues. L’envie de tourner le dos à son présent pour passer dans une autre dimension devient irrésistible. La plupart du temps, nous baissons la tête, habitons un corps qui réagit par habitude. «Le pont de l’Île» de Christine O’Doherty nous plonge dans cette hésitation qui touche un peu tout le monde.

Madame O’Doherty réussit son entrée en littérature avec cette quête de l’être en soi que l’on écoute de moins en moins. Tout s’effrite autour de Gabrielle. La vie avec son amoureux, le travail, les projets, les amis, l’entreprise qu’elle a fondée il y a vingt ans. Plus rien ne l’enthousiasme. Un «malaise» existentiel la paralyse.

«C’était clair, je rêvais d’être ailleurs. J’étouffais entre les quatre murs de ma vie. Je ne savais plus ce que je voulais, j’ignorais ce qui pouvait me rendre heureuse. J’échafaudais des projets qui n’aboutissaient pas. Je m’épuisais à force de chercher un semblant de bien-être. J’avais envie de tout raser. De mettre le feu et de me sauver.» (p.28)

Gabrielle part, droit devant, vers le pays des Maritimes où elle a vécu les étés de son enfance. Le bout du monde pour se donner le temps de calmer ce moi égaré. Le glissement dans une nouvelle vie ne se fait pas en claquant des doigts. Les habitudes sont ancrées, les manies, la frénésie du monde du travail et de la ville ont marqué les façons de faire de Gabrielle.

«J’avais essayé tant de choses pour trouver le bonheur. Je vivais enfin la vie que j’avais imaginé, me levant à l’heure que je voulais, sans contraintes ni obligations, et pourtant, je ne me sentais pas plus heureuse. J’avais faim de quelque chose de grand, d’excitant, et j’étais venue me réfugier dans un bled perdu au bout du pays. Mon vertige était plus fort qu’avant.» (p.38)

Bouleversement

Gabrielle se tourne vers son enfance, soupèse ce qu’ont été ses relations avec ses parents, ses frères et sœurs. Pourquoi a-t-elle tourné le dos à ses rêves? Dans une petite maison du bord de mer, elle s’agite comme un écureuil en cage. L’être ne se laisse pas apprivoiser facilement. Il lui faudra revenir dans les lieux de son enfance, dans la ville d’Arvida, oui celle de Samuel Archibald, où vieillissent ses parents pour retrouver un élan.
«À l’époque, je me disais que ma vie serait différente. Je ne me voyais pas rester à la maison pour élever des enfants et attendre que mon mari revienne du travail. Je voulais partir du Saguenay, voyager, travailler et aller loin dans la vie, sans trop savoir ce que cela signifiait. La seule certitude que j’avais, c’était que personne ne déciderait à ma place de ce que j’allais faire. Ma vie serait excitante.» (p.117)

Les sources

Sa mère est fatiguée. Le cœur. La période des Fêtes se transforme en cauchemar. La mère en arrêt respiratoire se retrouve à l’hôpital. Le corps hésite, la mort longe les couloirs de l’hôpital. Heureusement, une résurrection est possible. La jeune femme se réconciliera avec sa vie, la fillette qu’elle était et l’adulte qu’elle est devenue.
«La maladie de ma mère a ouvert un passage en moi. En quelques mois, ma vie s’est transformée. J’étais coincée dans une existence sans relief et sans espoir de changement. Tout avait la même couleur. Aujourd’hui, je ne ressens plus le besoin de fuir. Je me sens utile. Attentive à ce qui se passe en moi et autour de moi. L’angoisse a disparu et l’évidence s’est imposée, clairement, simplement. E faire confiance. J’ai attendu que la vie m’apporte de la satisfaction. J’ai sauté d’un projet à l’autre en croyant que cela la rendrait excitante. Je me suis trompée.» (p.121)
Une belle histoire d’amitiés entre filles, de réflexions sur ce qui donne du poids à l’existence sans jamais devenir abstrait ou cérébral. Un roman sain et particulièrement vigoureux. Une plongée en soi qui nous ramène vers l’essentiel. Une belle découverte.

«Le pont de l’Île» de Christine O’Doherty est paru chez Lévesque Éditeur.