Aucun message portant le libellé Soudeyns Maurice. Afficher tous les messages
Aucun message portant le libellé Soudeyns Maurice. Afficher tous les messages

lundi 2 juillet 2012

Maurice Soudeyns scrute la société avec humour


Bien sûr, j’ai négligé des publications au cours de la saison. Les nouvelles parutions arrivent par vagues et souvent des titres sont oubliés ou délaissés. Manque de temps, écrivains incontournables qui bousculent les projets de lecture et les chroniques s’accumulent. C’est un peu ce qui est arrivé avec «Qu’est-ce que c’est que ce bordel!» de Maurice Soudeyns paru l’automne dernier. Heureusement, l’été est là pour combler nos lacunes.

Voilà un ouvrage étonnant et original.
Les seize récits reposent sur des dialogues qui abordent des sujets sérieux ou encore un peu plus légers. Comment déjouer la mort quand elle se présente un matin au moment de déguster son premier café? L’échange est savoureux et ce n’est pas celle que vous pensez qui aura le dernier mot. Ou encore les échanges entre une machine à distribuer des récompenses et les postulants qui souhaitent une médaille, un prix ou une forme de reconnaissance. Belle occasion de se moquer d’une société qui méprise plus souvent qu’autrement le travail des intellectuels et la réflexion. Et pourquoi pas s’amuser d’une réalité de plus en plus fréquente. Qui n’a pas affaire à une machine dans ses tentatives de communiquer avec une entreprise, un ministère ou une institution bancaire. D’un système aussi où les écrivains se transforment en mendiant pour avoir droit à quelques sous.
Dix tableaux colorés de Johanne B. Sawyer s’imposent. L’artiste visuel et l’écrivain s’interpellent en se penchant sur les mêmes sujets. Chacun nourrit le travail de l’autre. Qui est l’inspirant ou l’inspiré ? Difficile à savoir. Il faut «lire» les toiles pour laisser courir son imagination sur les couleurs, les formes et les personnages qui s’imposent petit à petit. Un monde inquiétant s’esquisse, incertain et fascinant.

Questionnement

Maurice Soudeyns aborde des sujets graves en multipliant les sourires. C’est peut-être la meilleure façon de survivre dans un monde en perte d’équilibre. L’écrivain ne se gêne pas pour bousculer.
Je me suis surpris à revivre la «nuit des longs couteaux» du 4 novembre 1981.        Qui se souvient de cette rencontre qui a mené à l’exclusion du Québec lors du rapatriement de la constitution concocté par Pierre Elliott Trudeau. Cette fois, heureusement, René Lévesque tient le gros bout du bâton.
«- Ne joue pas au plus malin avec moi, René
- C’est pas moi qui décide. Tu sais qu’on est 10 ici. J’ai soumis ta proposition hier soir, et devine un peu, pendant que tu dormais, on a voté majoritairement contre. On ne modifie pas Montréal pour Trudeaugrad, désolé.
- Espèce de petit minable de mes deux. Mangeur de hot-dogs!
- Mais, accommodements raisonnables obligent, on va y aller pour un aéroport.» (p.17)
Ou bien encore ces insectes qui se retrouvent dans la neige et le froid devant un père Noël qui en a plein les bras et la barbe.
« - Qu’est-ce qui est marqué, là, sur l’écriteau?
- J’ai pas mes lunettes, tu peux me le lire?
- Y a écrit : «Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver…»
- Eh ben, voilà pourquoi ils ont tant de mal à le trouver.
- T’as tout compris!» (p.66)

Un art

Parfois ça grince un peu. Maurice Soudeyns a l’art de mettre le doigt sur nos travers, nos espoirs et nos grandes et petites déceptions. Je pense à cet agent qui intercepte le taxi de la langue française et qui émet des constats d’infraction.
« - Les bruits anormaux sont masqués par la radio sans compter les nombreuses pièces trafiquées qui sont barbarismes et anglicismes.
- Barbarisme et Anglicisme? Connais pas ces deux «tuits».
- Moi, je vous dis que, pour l’instant, la langue est alanguie, délinquante et paresseuse. Le français jetable, ce n’est pas pour demain je vous signale.» (p.99)
Madame la ministre Christine Saint-Pierre devrait lire ce court texte au lieu d’agiter les carrés rouges.
Amusant, sérieux, dérangeant, parfois grinçant, Maurice Soudeyns reste fort pertinent.
Une belle finesse, une subtilité qui ne se dément jamais. Je me suis amusé, oui, mais le réel s’impose, les travers de notre société font surface. C’est tout à fait ce que je demande à une aventure du genre, ce regard qui fait du bien dans une période où toutes les révoltes et les frustrations passent par le concerto des casseroles.

«Qu’est-ce que c’est que ce bordel!» de Maurice Soudeyns est paru chez Lévesque éditeur.

http://www.levesqueediteur.com/soudeyns.php