dimanche 29 mars 2009

Mylène Durand donne voix aux Iles-de-la-Madeleine

Les Iles-de-la-Madeleine. Trois enfants, deux filles et un garçon. La mère s’est jetée du haut d’une falaise. Suicide, chute, les survivants ne savent pas. Elle était mal accordée à ce pays, «n’appartenait pas à cette virulence des eaux». Le vent des îles peut rendre fou et pousser aux gestes désespérés.
Mylène Durand, dans «L’immense abandon des plages», un premier roman, nous entraîne dans des pages saisissantes qui évoquent la cadence des vagues. Les textes vont et viennent, se répondent et se croisent. Le vent, la mer, le sable se bousculent. Nous sommes au cœur de la douleur et de la tempête.
Le père s’enferme dans les gestes du quotidien. Un survivant. Les enfants sont abandonnés dans leur immense douleur. Pire, ils se savent marqués par le regard des autres. Ils sont les enfants de celle qui a commis l’irréparable, celle dont le corps n’a jamais été retrouvé. La mer prend, la mer tue, la mer avale et recrache des épaves, parfois des corps selon les élans des saisons.
«Au loin, une femme. Son corps penché. Le bord de la falaise. Si près. Rien que la regarder donne le vertige. C’est horrifiant. Ma respiration, difficile. C’est moi qui suis horrifiée. C’est ma bouche qui s’ouvre, ma gorge qui se serre, ma voix qui tente de s’extirper de mon corps. Il faudrait crier pour qu’elle me regarde, ne fût-ce qu’un instant. Un seul. Mais j’étouffe. Souvent elle se tient là, au bord du gouffre. Elle reçoit le vent salin en plein visage, porte son regard le plus loin possible. Ses longs cheveux au vent puis : elle est disparue. Tombée.» (p.18)
Cet instant a tout changé, cette mère «tombée» ne peut s’effacer de la tête des enfants.

La survie

Comment respirer dans les lieux du drame? Élisabeth s’exile à Montréal pour oublier. Claire écrit à Élisabeth. Claire signe ses lettres, laisse une date ici et là pour se raccrocher au temps peut-être. Élisabeth répond, mais n’envoie pas les lettres. Julien, le frère, navigue. Il est fort, capable de tenir tête aux plus folles rages de la mer. Il suivra sa mère au cœur des tempêtes et des brumes.
Les sœurs lancent des bouteilles à la mer. C’est tout ce qui reste pour colmater la douleur. Claire n’arrive pas à se détacher de sa terre de douleur. Elles rencontrent des hommes. Le corps a ses droits, mais il n’y a que des cris dans la tête des sœurs.
«J’écris. Ce sont les seuls mots qui me conviennent. Raturés cent fois, déchirés, illisibles. Ils sont partout : sur mes murs, mon bureau, dans mon sac. Certains se retrouvent dans mon lit. Ils sont là, autour de moi, avec moi, comme une bonne couverture chaude. Je peux recréer la mer, les îles. Je peux m’imaginer être là-bas, nue, seule. Sur une plage d’été brûlante. Me perdre dans l’eau rafraîchissante. Je peux dire : ma mère est tombée, comme le font toutes ces voix dans ma tête. Je peux aussi écrire en toutes lettres : elle a sauté.» (p.24)
Il faudra le temps pour un peu d’apaisement, éloigner la douleur, retrouver son corps et respirer mieux. Il faudra des années pour se défaire de la culpabilité.
«Je voudrais que les choses soient autrement, être quelqu’un d’autre, peut-être. Oublier. Rien que ça. J’ai tellement envie d’oublier notre mère, désapprendre les nuits d’ici, tout laisser et tout effacer de ma mémoire. J’ai terriblement envie d’un ailleurs, moi aussi. Même si tous les ailleurs m’effraient, même si parfois je crois que je ne survivrai pas à un déracinement.» (p.75)
Les deux en réchappent à leur façon. Claire retrouve une forme d’équilibre et Élisabeth tente un retour. Elle fera demi-tour, ne peut mettre les pieds sur les îles. C’est ainsi.
Le texte de Mylène Durand vous souffle. Rapidement on se retrouve à la frange du possible, de la douleur et de l’existence. Nous sommes au bord du précipice, comme sur un câble tendu sur le vide. Un roman de paroxysmes, de cris qui pousse au-delà des mots et des phrases. Le rythme est hallucinant, l’écriture un halètement. Comment ne pas être subjugué par «L’immense abandon des plages».

«L’immense abandon des plages» de Mylène Durand est paru aux Éditions de la Pleine lune.
http://www.pleinelune.qc.ca/cgi/pl.cgi?titre=L%27Immense%20Abandon%20des%20plages

dimanche 22 mars 2009

Richard Dallaire cause une belle surprise


En lisant «Le Marais» de Richard Dallaire, j’ai souvent songé à l’une des dernières toiles de Salvador Dali, le peintre extravagant que l’on connaît pour ses immenses tableaux lumineux et inventifs. Quelques semaines avant sa mort, il peignait sa chambre. L’univers s’y défait. Les meubles se tordent. C’est la fin, le monde qui s’écroule, s’efface dans le regard du peintre.
Voilà l’esprit du premier roman de Richard Dallaire, un Baieriverain d’origine. Dans cette «allégorie d’une existence partielle», le monde se décompose. Paul vit en marge de la ville, près d’un marais. Il se rend chaque jour au centre-ville pour travailler à l’ombre d’un volcan qu’il faut ramoner régulièrement pour éviter le pire. Il exerce un emploi déprimant et routinier. Sa vie va à la dérive et tout son temps libre est consacré à colmater une maison que le marais avale. Tout comme dans «L’écume des jours» de Boris Vian, l’environnement épouse l’état du personnage.
Dans la cour, Madeleine, une «saule pleureuse», est inépuisable de larmes. Le marais s’avance à mesure que la santé de Paul se détériore.
«Le processus irréversible de la pourriture attaquait les boiseries de la maison depuis plusieurs années. L’accès au sous-sol était condamné et le plancher du salon partait en ruine. Pour calfeutrer les brèches, Paul clouait au sol les livres qu’il terminait. Sans ce soin, les grenouilles pénétraient la nuit, troublant son sommeil. Parfois, il fixait à regret des livres qu’il n’avait pas eu le temps de lire. Dans un coin, le piano droit jouait en désaccord la partition de sa vie.» (p.12)
Paul devient peu à peu un cadavre. Une bien étrange maladie qui fait qu’il se dessèche sur place, perdant des doigts et un bras.

Hymne à la vie

Pourtant, tout bouge autour de Paul. Surtout après la découverte de Lion sous une cabane. Un enfant débordant d’énergie qui apprend rapidement à voler avec Lucie la luciole. La vie n’a pas dit son dernier mot.
«Au bout d’un moment, une partie de l’enveloppe se déchira, laissant apparaître une tête chevelue. Les yeux clos, elle semblait scruter le paysage. Puis, réagissant aux efforts, la toile céda entièrement, dévoilant le corps nu d’un garçon de six ans. Il ouvrit les yeux, verts.» (p.26)
Si autrefois on trouvait les bébés dans les choux, pourquoi pas dans un œuf. Madeleine, la saule pleureuse, adopte le garçon. Elle finira par l’emprisonner dans ses branches pour le protéger des dangers du monde et le tuer presque.
La jeunesse, la présence de Lucie la luciole change tout. Elle fait reculer la mort, dépose un germe d’amour dans la poitrine de Paul, tout près du cœur qui ne bat presque plus. Tout peut arriver alors. L’amour fait des miracles, on le sait. Paul revient à la vie. Il n’a qu’à s’abandonner pour se redresser du côté des vivants. Et il est tout à fait normal d’être amoureux d’une luciole, du moins dans les fables et les allégories. Le lecteur bascule et se met à y croire.
«Lucie, Lion et Paul passaient leurs soirées près du feu à profiter de la chaleur. Le piano jouait des Ragtimes parce qu’avec tout ce bonheur contenu dans la pièce, il ne pouvait faire autrement. Un soir, Paul dit «je…» à Lucie et s’arrêta en plein centre de sa courte phrase. Tout dire l’amour était difficile. Mais comme il ne put qu’en dire la moitié, c’était tolérable…» (p.149)

Belle découverte

Richard Dallaire jongle avec les mots, les prenant au sérieux pour décrire une société de plus en plus absurde et étrange. C’est ainsi qu’il effleure les travers de notre époque qui s’embourbe. Mais l’espoir reste, l’amour est encore possible. C’est le plus important.
«Le Marais» est un bonheur de lecture, même si Dallaire a tendance à forcer ses comparaisons et ses images. «Pour dire les choses, les yeux de Paul étaient des bouches qui ânonnent de bruyants silences. Les yeux de Lucie avaient l’ouïe fine.» (p.121) Ouf !
Dans ce genre d’univers, l’étonnement provient des situations et des découvertes. Pas besoin de torturer la langue. Malgré ce petit travers, ce premier roman s’avère une belle surprise. Beaucoup de fraîcheur, d’inventions et d’espoir.   

«Le Marais» de Richard Dallaire est paru aux Éditions du Sémaphore.
http://www.editionssemaphore.qc.ca/Richard_Dallaire.html

dimanche 15 mars 2009

Chamberland continue sa marche en solitaire

Paul Chamberland, dans sa poésie comme dans ses essais, porte un regard critique sur la civilisation contemporaine. Certains peuvent croire qu’il se complaît dans un pessimisme extrême pendant que d’autres affirmeront qu’il est réaliste.
Le monde actuel fonce vers la catastrophe à une vitesse vertigineuse. Tous les observateurs sérieux le répètent. Pollution, réchauffement de la planète, exploitation sauvage des ressources naturelles dans les pays du tiers-monde. Le sida, la famine et la misère sévissent, particulièrement en Afrique. La démocratie bat de l’aile même si l’élection de Barak Obama à la présidence des États-Unis semble secouer des espoirs que nous n’osions plus imaginer. Le but de toutes les grandes entreprises est de pousser le citoyen planétaire à produire de plus en plus, à consommer jusqu’à l’obésité.
Paul Chamberland, dans «Cœur creuset», ne s’attarde pas aux effets de la mondialisation et à l’hégémonie de l’Occident comme il l’a fait dans «En nouvelle barbarie». Il prône l’éveil, l’ouverture du coeur et de l’esprit pour glisser vers une autre terre de justice, de partage et d’amour. Il est possible d’y arriver par le dépouillement, la méditation, la reconnaissance de l’être de lumière qu’il y aurait en chacun de nous.
«Nous aurions échappé au feu primordial, nous en sommes convaincus. Mais nous brûlons encore : nous ne pouvons faire que n’existe pas la combustion dont ont été faits nos corps.» (p.89)
Puisant dans différentes philosophies orientales, le poète rêve d’un grand retour vers l’être, d’un dépouillement qui nous ferait nous retourner vers l’essentiel.
Questions fondamentales

Qui prend le temps de réfléchir au sens de la mort et de la vie à l’heure de Tout le monde en parle? Ces interrogations, les humains les ont effleurées depuis des millénaires. Maintenant, cette confrérie de chercheurs est reléguée dans les coins obscurs des bibliothèques, ou égarés dans les labyrinthes de l’informatique. J’ai peur cependant que Paul Chamberland ne rejoigne pas beaucoup de lecteurs avec la forme d’ascèse qu’il prône. Il fait aussi sourciller avec ses propos sur la culture.
«Le malaise dans la culture a crû au point de devenir intolérable. L’humanité est en train d’étouffer sous ses déchets, tant psychiques que matériels. L’actuelle civilisation a fait son temps. Nous savons depuis Auschwitz et Hiroshima qu’elle n’a plus rien d’autre à nous offrir que la production « rationnelle » du non-humain (béant au cœur du réel, ce trou noir). Le seul savoir qui tranche est celui qui découvre les ressources dont nous tirons la force de résister à l’anéantissement spirituel de l’humanité. De nous y arracher.» (p.105)
Le mysticisme ne semble guère capable de sauver l’humanité avec ce que nous en savons. Chamberland s’enferme de plus en plus dans une solitude inquiétante malgré les appels à ses frères et ses sœurs.

«Cœur creuset. Carnets 1997-2004» de Paul Chamberland est publié aux Éditions L’Hexagone.

Nicole Houde boucle un long cycle

Avec «Je pense à toi», son douzième ouvrage, Nicole Houde boucle un long cycle marqué par des oeuvres denses et troublantes. Il en aura fallu du temps pour ce face à face avec le père, une rencontre attendue et longtemps repoussée par la romancière.
Les femmes et les hommes, chez Nicole Houde, sont marqués par une génétique qui les hante et les broie. Victor est fils de père alcoolique pour son plus grand malheur. Il perd sa mère alors qu’il est encore enfant et ne s’en remettra jamais.
«Le temps n’existait plus que par brefs intervalles. La neige de cet été-là fondait en moi. La boue de cet été-là giclait en moi. Le séisme du 25 mai 1928 ne cessait de se reproduire en moi : de la boue partout, des pierres, une rivière en pleine débâcle, une fille de treize ans qui tremble de tous ses membres dans la montagne tremblante de tous ses arbres. Depuis le 20 juin, j’avais quatorze ans et, au contraire des garçons de mon âge, je ne voulais pas devenir un homme. À cause de l’aveuglement. À cause des clôtures autour des gestes et des mots.» (p.46)
Est-il possible d’échapper au destin familial, d’annihiler une «malédiction» qui pousse vers la mort et le délire?

Études

Étudiant au séminaire de Chicoutimi, il doit mettre fin à ses études. Son goût pour les mots lui permettra de devenir écrivain public dans les chantiers forestiers où il travaille comme cuisinier. Vie de nomade, de départs et d’arrivées, Victor combat des démons de plus en plus menaçants, incapable de repousser l’alcool.
Sophie, Gaétane et surtout Angéla retardent la chute. L’amour permet à Victor de s’aventurer hors des «clôtures» du village de Saint-Fulgence, d’espérer échapper aux tares héréditaires. Le couple vit un moment de grâce, quelques jours de bonheur, avant la tornade qui emporte tout.
«Je voudrais que chaque instant de cette soirée de juillet soit préservé. Chaque mouvement d’Angéla, chaque intonation de sa voix. Je la contemple afin que cette joie émanant d’elle soit mon éternité à moi. Un tel bonheur, je titube pour vrai, je la garde tout contre moi.»  (p.115)
Pendant ce temps, le diable attend son heure, ricane au fond d’une bouteille. L’alcool impose ses cycles et les mots tuent plus sûrement que des couteaux aiguisés. Victor et Angéla deviennent des étrangers avec les enfants.

Personnages inoubliables

Sur fond historique du Saguenay, Nicole Houde campe des personnages inoubliables. Un portrait terrible de la vie de village qui oscille entre le dit et les secrets qui camouflent l’inceste et les suicides. La fresque est assez terrifiante. Un roman d’une beauté sauvage qui transforme un univers âpre, pousse vers l’hallucination et la folie.
Voilà l’oeuvre d’une écrivaine en pleine possession de ses moyens. Jamais Nicole Houde n’est allée aussi loin. Un récit étourdissant. Dérangeant. Bouleversant. «Je pense à toi» tient le lecteur en apnée.

«Je pense à toi» de Nicole Houde est paru aux Éditions La Pleine lune.

Robert Lalonde réussit à nous perturber

Il arrive d’arriver au bout d’un livre en claudiquant. Comme si le poids du monde vous écrasait. Les mots ne viennent plus. Il faut de grandes plages de temps pour s’arracher à une lecture qui retourne l’esprit.
«Un cœur rouge dans la glace» de Robert Lalonde, un recueil de trois nouvelles, étourdit et secoue. C’est toujours ce qui arrive quand on se risque dans le monde de cet écrivain. Il tricote des textes tendus comme une corde de violon. Il frôle la rupture, remue, questionne votre façon d’être au monde. Il lance ses grandes questions sans réponse, cherche une direction quand l’horizon colle au sol. Il vous laisse souvent avec l’impression d’être abandonné de Dieu et des hommes.
«C’était un lundi d’avril, chaud comme un jour d’été. Tout aurait dû m’étonner, me réveiller, me remettre en vie, ce jour-là. C’était enfin le printemps, et je tournais sur moi-même dans une cour d’école déserte, affolé par ces innombrables craquelures dans l’asphalte. Ces lignes brisées, ces alvéoles à la fois irrégulières et semblables, ce vaste diagramme imitant la multiplication folle de cellules détraquées : c’était ma vie que la disparition d’Annie avait définitivement fêlée.» (p.13)
Trois nouvelles qui s’attardent à la perte d’un proche, d’un amour ou d’un frère. Où trouver les mots, que valent les phrases quand il n’y a plus de direction qui s’ouvre, quand on tourne en soi comme dans une tempête d’hiver qui efface toutes les directions. Il reste peut-être la lecture d’un écrivain qui vous accompagne et vous hante depuis toujours. Il devient alors un double, l’ombre avec qui le dialogue est possible.

Les sources

Virginia Woolf a toujours fasciné Robert Lalonde. Il retourne régulièrement à l’œuvre de cette écrivaine. Il y a Annie Dillard, Jane Austen et quelques autres. Elles s’imposent plus que des êtres réels à force de les lire et de les relire. Dans «Souvent je prononce un adieu», Virginia Woolf accompagne l’auteur, le houspille avec ses phrases incisives comme des lames de rasoir. Elle est la désespérance, l’obsession, la folie du verbe qui fait que l’on garde la tête hors l’eau. Respirer encore.
«Écrire, ce n’est pas raconter une histoire. C’est s’attaquer à l’indicible, c’est chercher la transparence. Si ce que tu écris ne te plaît pas, brûle-le et recommence. Écris vite, impétueusement, travaille sans t’arrêter jamais.» (p.17)
Woolf va, vient, revient et le pousse vers une étudiante qui vient de tenter de se suicider. Vers l’écriture peut-être…

Grand Meaulnes

C’est Antoine dans «Un cœur rouge dans la glace» qui fonce dans la tempête pour retracer un frère qui se débat dans les pires excès depuis que les parents sont morts dans un accident d’auto. Il poursuit un fantôme, le retrouve grâce à Nicolas, un ange qui sauve de la désespérance, un «grand Meaulnes» qui rôde au-delà des apparences. C’est encore Alison Donahue que l’auteur suit près de la mer, à la lisière de la vie et de la folie. Elle trace des poèmes sur le sable et il traduit. Ils dialoguent, s’effleurent, se touchent, se perdent et se voient comme dans les miroirs de deux langues étrangères.
«Darling, les mots sont des petites têtes chercheuses et ils trouvent toujours leur chemin dans le fabuleux chaos de l’univers!» (p.225)
Le réel, la vie et la mort, voilà le vrai questionnement de Robert Lalonde depuis sa première parution. Ses livres posent toujours les mêmes questions sans jamais esquisser de réponses.
«Le roman que depuis toujours j’échafaudais mais n’écrivais pas m’avait fait prendre martre pour renard et voilà que je me réveillais, tout mon texte effacé et le cœur au ralenti. Ce n’était pas la fatigue qui m’écrasait sur ce banc, mais la fin abrupte d’un ensorcellement que j’avais manigancé tout seul et qui s’achevait dans une gare triste, où des inconnus me dévisageaient comme s’ils savaient.» (p.151)
Des nouvelles qui laissent abasourdi, debout entre deux jours, devant un matin aveuglant à la lisière de la mer ou d’un lac qui boit la lumière à petites gorgées. Avec toujours cette angoisse d’être un vivant.
Lire Robert Lalonde, c’est courir un risque, s’égarer, avoir du mal à respirer et à refaire surface. On s’en réchappe un peu changé, troublé, hésitant à mettre un pied devant l’autre.

«Un cœur rouge dans la glace» de Robert Lalonde est paru aux Éditions du Boréal.