dimanche 31 janvier 2010

Joseph Facal jongle avec l'avenir du Québec

Joseph Facal, dans «Quelque chose comme un grand peuple», se penche sur des problématiques qui font les manchettes depuis des années au Québec.
La phrase est de René Lévesque. «Quelque chose comme un grand peuple», lancé le soir du référendum de 1980, après la victoire du camp fédéraliste, attire l’attention sur la page couverture. Pas tout à fait un grand peuple, mais quelque chose comme… Étrange formulation qui sert à lancer la réflexion de Facal.
L’avenir du Québec est préoccupant. Vieillissement de la population, pénurie de main d’œuvre, endettement de l’État, système de santé qui ne répond plus aux exigences, décrochage scolaire, diplômes à tout prix au détriment des connaissances. Le recul du français à Montréal, l’immigration, la modernité qui se retourne souvent contre les aspirations des francophones. On pourrait ajouter la qualité de l’environnement et bien d’autres choses.
«À cet égard, je suis habité à la fois par l’inquiétude et la confiance. Inquiétude quand je pense à ce que nous léguerons à ceux qui nous suivent si un redressement collectif ne survient pas rapidement. Inquiétude quand je constate l’inadaptation de nos politiques au monde qui se déploie sous nos yeux. Inquiétude quand je vois l’incapacité d’une bonne partie de notre classe politique à prendre acte de nos problèmes et à commencer à leur tordre le cou.» (p.25)

Les sources

L’avenir se construit sur des bases solides, un passé compris et accepté. L’histoire du Québec est une suite de luttes pour préserver la langue française et s’épanouir malgré tous les obstacles. Un passé qui devient un enjeu important dans l’actualité.
«Bref, ici comme ailleurs, et depuis la nuit des temps, l’histoire est toujours sous haute surveillance. Elle ne va jamais de soi. Chaque famille politique voudrait imposer sa lecture du passé pour essayer de mieux maîtriser le présent. Mais toutes n’ont évidemment pas les mêmes moyens.» (p.30)
Facal questionne l’approche de plusieurs figures connues, dont celle de Gérard Bouchard qu’il accuse de «diviser et de désagréger» la société québécoise avec son concept de «francophonie nord-américaine en phase avec les autres jeunes collectivités du Nouveau Monde».
Aussi l’historien Jocelyn Létourneau qui souhaite que l’on cesse de voir le Québec comme une nation pour «assurer en toute vérité, l’appartenance du Québec au Canada». André Pratte, éditorialiste au journal La Presse, qui invite les Québécois à faire table rase du passé. Les regards changent selon que l’on soit souverainiste ou fédéraliste. Cette question hante le peuple du Québec depuis la Conquête de 1760 et risque d’être d’actualité encore longtemps malgré les cris et les chuchotements.
Une conception de l’histoire qui trouve des échos dans le monde scolaire avec le programme Éthique et culture religieuse qui «illustre parfaitement la manière de penser et le modus operandi des idéologues multiculturalistes», lance Facal. Un concept élaboré par Pierre Elliott Trudeau dans «Cité libre» et qu’il a mis de l’avant en devenant premier ministre du Canada.

Ensemble

Le Québec est l’un des états les plus endettés du monde, le système de santé gruge une partie du budget. Comment assainir les finances publiques, valoriser l’apprentissage et le savoir, augmenter la productivité, s’affirmer dans le vaste marché de la mondialisation en protégeant notre culture ? Toutes ces questions sont abordées dans « Quelque chose comme un grand peuple ».
Joseph Facal suggère des solutions qui demandent du courage et de l’abnégation. Chose certaine, un politicien aurait du mal à se faire élire en promettant de faire le ménage dans l’état québécois selon les vues de l’ancien politicien qui a signé le «Manifeste des lucides» avec Lucien Bouchard.
Monsieur Facal a cependant le cran de ne pas esquiver les problèmes. Il secoue des réalités qu’il est impossible d’ignorer. L’essayiste croit au futur du Québec, en autant que l’on accepte de voir la situation telle qu’elle est et que l’on cherche des solutions.
«En définitive, quand on regarde ce qu’il faudrait faire au Québec pour protéger notre niveau de vie, assainir nos finances publiques et refonder notre solidarité, on peut être pris de vertige et sombrer dans le découragement ou, pire, le déni. Mais des réformes comme celles-là ont été implantées au cours des vingt dernières années dans des sociétés très comparables à la nôtre, animées elles aussi par ce souci que nous avons de combiner prospérité économique et solidarité sociale : la Suède, le Danemark, la Finlande, l’Irlande, et même dans des sociétés qui n’ont pas le statut d’État souverain, comme la Bavière.» (p.286)
Beau débat en perspective. Un essai nécessaire qui peut alimenter notre réflexion en ces temps de doute et de cynisme.

«Quelque chose comme un grand peuple» de Joseph Facal est publié aux Éditions du Boréal. http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/auteurs/joseph-facal-1565.html

dimanche 24 janvier 2010

Gil Courtemanche: de quoi douter du monde

Le droit est-il la justice ? La question se pose après avoir lu «Le monde, le lézard et moi» de Gil Courtemanche.
Claude, analyste à la Cour pénale internationale de La Haye, réunit des preuves contre Thomas Kabanga, un despote qui a sévi au Congo. Le dictateur est accusé d’avoir embrigadé des enfants, de les avoir entraînés pour faire la guerre, commettre des meurtres et des viols. Ces jeunes ont semé la terreur dans un pays où le trafic des diamants et de l’or attire tous les aventuriers.
Avec une équipe de recherchistes, il est convaincu de faire condamner le dictateur et de créer un précédent dans le droit international. Il écoute les témoignages de ces jeunes torturés et violés. Des histoires invraisemblables qui plongent dans l’horreur et deviennent obsédantes.
Solitaire, ce Québécois a cru changer la société au temps de ses études. Il s’est joint à un groupe de militants et après un attentat raté, a dû purger trois mois de prison.
«Je découvrais que l’injustice existait dans mon pays. Ce n’était pas la même pauvreté. Ce n’étaient pas des cases malodorantes dans lesquelles vivaient entassées des familles nombreuses, mais des taudis puants abritant des familles nombreuses. Pas des gens qui mouraient de faim dans un pays pauvre comme l’Éthiopie, mais des Québécois qui ne mangeaient pas à leur faim dans une des sociétés les plus riches du monde.» (p.41)
Il se transforme en chasseur qui ne lâche pas sa proie. Une hantise qui peut devenir dangereuse.
«Kabanga occupe toutes mes pensées. Je suis un monomaniaque et je pourrais peut-être constituer un danger pour la société si cette obsession avait quelque autre objet humain. Je vis avec cet homme… Je l’observe, l’analyse, le dissèque, le retourne, le soupèse, le met en question comme un biochimiste travaille sur une molécule prometteuse, désespère de ses premiers résultats, mais certain de son intuition, poursuit le fractionnement de la molécule, la combine avec d’autres éléments.» (p.105)

Vice de procédure

Thomas Kabanga est libéré. Vice de procédure. Il rentre à Bunia et peut tout recommencer.
Claude démissionne et part pour le Congo en compagnie de Myriam qui travaillait avec lui. La Somalienne a connu les horreurs de la dictature. Elle aussi souhaitait voir Kabanga payer pour ses crimes. Ces deux éclopés ont du mal à trouver un espace où il est possible de respirer. Claude garde l’espoir fou de réussir là où l’appareil juridique a échoué.
«Kabanga, trois mille enfants soldats, un sourire insolent, des boutons de manchette en or, non pas le regard d’un assassin, mais celui d’un chef imbu de sa personne, cherchant par tous les moyens pouvoir et richesse. Un être méprisable. Mais je n’ai jamais vécu dans ce monde des émotions primaires, et je ne l’avais jamais avant considéré comme autre chose qu’un accusé que je crois coupable. J’ai quitté l’univers rigoureux de la justice pour celui embrouillé et arbitraire de la passion. Je ne suis pas certain que cela soit bien, mais c’est le chemin que j’ai choisi.» (p.155)

Enfant soldat

Il retrouve Josué, un enfant soldat qui a témoigné à la cour de La Haye et qui cherche à se venger et à refaire l’histoire. Il s’entoure de gens qui tuent, violent, éliminent Kabanga, à l’image du monstre qui lui a volé son enfance. Rien ne change ! Les despotes engendrent les despotes. Les tueurs forment les tueurs et les violeurs. Claude participera même au simulacre de procès de Thomas Kabanga.
Réflexion sur la justice, le pouvoir, la violence et les pulsions qui poussent les humains à commettre les pires horreurs, cet ouvrage nous plonge dans les conflits qui déchirent notre monde. C’est l’humain le grand responsable. L’homme incapable de justice, de compassion et d’empathie, impuissant devant les pulsions de mort qui dominent partout. Tous finissent piégés par des règles, des codes qui deviennent des prétextes pour dominer les autres, même les hommes de bonne volonté.
Roman dur de désespoir et de désespérance, «Le monde, le lézard et moi» fait douter de l’espèce humaine et de ses capacités à dominer ses pulsions et ses folies meurtrières. Une réflexion nécessaire dans une époque où les conflits se multiplient, où les bombes servent à ponctuer les discussions.

« Le monde, le lézard et moi » de Gil Courtemanche est publié aux Éditions du Boréal.

dimanche 17 janvier 2010

Bill Gaston fait découvrir tout un monde

Évelyne a connu le grand amour. Elle n’avait pas tout à fait vingt ans et son amoureux était un nomade, un Québécois débarqué sur la côte ouest après avoir pratiqué cent métiers. Il vivait d’expédients, se débrouillait dans la nature, ne refusait jamais une fête où l’alcool et les drogues surgissaient de partout. Un homme intense, brillant, excessif, capable du pire comme du meilleur. Ils ont eu un fils dont il ne s’est jamais préoccupé, un rebelle, un provocateur qui n’en a fait qu’à sa tête dès son jeune âge. Il s’est retrouvé vendeur de drogues, au milieu d’une guerre de gangs, a failli être tué et en garde des séquelles sérieuses. Il n’a plus donné de nouvelles à sa mère depuis une dizaine d’années. Il vit sur l’île Malcolm, observe les baleines, enregistre leurs chants et prend des photographies saisissantes de ces mammifères imprévisibles. 

Appel

Claude est mourant. Évelyne quitte son mari, sa vie bourgeoise, ses antidépresseurs. Elle va rejoindre son ancien amant, l’accompagne dans ses derniers moments. Tout bascule. Elle décide de partir à la recherche de son fils pour lui annoncer la mort de son père, se retrouve dans les parcs comme une sans-abri.
«Elle se redit qu’elle est ici à cause de Tommy. Ce qui n’a aucun sens. Claude lui a dit que Tommy observait les baleines dans le Nord. Non. Elle se rappelle : ses pilules. Elle a cessé de les prendre et n’a plus eu les idées claires depuis. En fait elle se sent parfois folle, complètement folle, même si ça va mieux.» (p.22)

Gore

Gore, un biologiste, décide d’échapper à sa vie ennuyeuse. Il prend sa retraite de l’enseignement et part à l’aventure. Il veut réinventer une forme de récit de voyage, s’intéresse à l’histoire de l’île de Vancouver, aux premières nations, aux colons européens et aux inventeurs de mondes qui sont débarqués dans les années 70. Des décrocheurs, des squatteurs et des utopistes. Ce n’est pas sans rappeler l’univers de Louis Hamelin dans «Le Joueur de flûte».
Gore croise Évelyne et ils remontent vers le Nord dans un kayak volé. Il est malhabile, gauche, souffre de la goutte et se paie des crises de vésicule biliaire. Il repousse l’ablation, s’entête. Le couple vit de pêche, de la générosité des campeurs. Il tente d’écrire, mais n’arrive à rien. La vie à deux s’installe, l’amour peut-être entre ces êtres blessés qui cherchent un nouvel ancrage.
Évelyne se refait une santé physique et mentale. Gore apprend à se débrouiller, rêve son récit en oubliant souvent la réalité.
Tour à tour les personnages prennent la parole. Gore, Evelyne et Tommy sur sa plage, envoûté par les baleines. Nous avons ainsi un puzzle qui se constitue et s’assemble lentement.
«Tom avait le casque d’écoute sur les oreilles quand les épaulards étaient arrivés. Il était plongé au plus profond de la respiration. La respiration de Dieu, simultanément inspiration et expiration. Il imaginait la peau d’une baleine bleue qui nageait lentement à un pouce de son visage, une muraille gris bleu qui bougeait, bougeait, bougeait, la balafre occasionnelle due à quelque barnacle, puis plus de gris bleu encore.» (p.462)
Gore, Évelyne et Tommy finiront par se retrouver sur l’île Malcolm, près de Sointula qui signifie harmonie en finnois. Le lieu a été baptisé ainsi par des Finlandais communistes et utopistes qui voulaient abolir les classes sociales, vivre le partage et l’amitié dans une vie réinventée. Ce périple devient une sorte d’épreuve, de retour aux valeurs fondamentales de la vie.

Belle aventure

La nature est omniprésente. Bil Gaston démontre une capacité formidable à décrire la mer, les changements de couleurs, le jeu des vagues, les déplacements des poissons et des baleines. Véritable voyage aussi dans l’histoire de cette partie du monde.
Un grand roman d’amour, d’amitiés, de folie et d’utopies. Tout nous tient en haleine, nous attache à cette histoire obsédante, à ces éclopés qui recherchent un sens à leur vie. Une découverte d’un monde où les utopies se sont croisées et peuvent toujours ressurgir. Comme si certains lieux étaient magiques. Les humains y retrouvent des comportements millénaires, possédés pour ainsi dire par la géographie, la flore et la faune. Une histoire qui nous plonge dans le temps et l’espace, une aventure de lecture comme on les aime.

« Sointula » de Bill Gaston est publié aux Éditions de la Pleine lune.

dimanche 10 janvier 2010

Bïa Krieger crée une belle surprise

Bïa est une chanteuse appréciée au Québec. La douceur de ses musiques et la langueur de sa voix savent nous bercer comme un chaud soleil de juillet. Son dernier disque en compagnie d’Yves Desrosiers est un petit bijou.
Si le prénom s’est imposé, il faudra tenir compte maintenant de Krieger, son nom de famille en raison de ce récit. «Les Révolutions de Marina» nous entraîne dans son enfance au Brésil et ses nombreuses pérégrinations.
Militants engagés, ses parents ont vécu dans la clandestinité. Ils devaient multiplier les réseaux pour se protéger, changer d’identité pour échapper à la police et à la dictature, pratiquer l’art du caméléon pour rester en vie.
«Ceux, qui, comme mes parents, ne croyaient pas à la violence comme moyen pouvant servir des fins légitimes, vouaient leur existence à la diffusion d’organes d’information illégaux, à l’organisation de syndicats, à la sensibilisation des masses laborieuses et à la pénétration des idées libertaires tant dans les couches opprimées que chez les intellectuels du pays.» (p.14)
Les parents de la petite Marina disparaissent souvent et elle se retrouve chez ses grands-parents maternels. Des gens qui ont du mal à comprendre pourquoi leur fille conteste le régime et le pouvoir en place. Un couple conservateur, mais de grands cœurs capables de générosité pour leurs enfants. Ils étaient toujours là pour accueillir leur petite-fille et la choyer.

Le goût du voyage

Marina apprend à vivre avec ces départs et ces retours, prend goût à ces exils qui la mèneront dans différents pays d’Amérique du Sud et au Portugal. Et après bien des déplacements, elle retrouve son Brésil à l’âge de l’adolescence.
«Je débarquai au pays du dévergondage, où l’on expose les rondeurs charnues sans y penser, où l’on s’appelle «mon amour» et «chéri» à la caisse du supermarché ou dans l’autobus. «Tu n’as pas l’appoint chérie?» «Ah, désolée, mon cœur! Je n’ai aucune monnaie!» Le langage corporel, le ton de voix langoureux et les attouchements triviaux du plus banal échange carioca seraient passés à Lisbonne pour une invitation à la débauche ; et sous ces gais tropiques les bikinis tenaient moins de place qu’une balle de ping-pong dans une main fermée. J’étais dépaysée dans mon propre pays.» (p.35)
Les migrations constantes peuvent faire en sorte que l’on devient un étranger dans son propre pays.

Le Chili

Les parents de Bïa se retrouvent au Chili pendant le court règne de Salvador Allende. Ils y trouvent du travail et peuvent enfin vivre librement. Ils oeuvrent dans une société qui correspond à leurs idées. Tout semble devenir possible pendant cette période. Le temps des migrations était peut-être chose du passé.
«J’aimai le Chili. Son air froid et sec qui faisait geler les crottes de nez, provoquant sans cesse des saignements de narines. Son peuple si taciturne, grave, mélancolique et assoiffé de poésie, ces visages homogènes, cette parfaite chiliennitude faite de cheveux noirs de jais, d’yeux légèrement bridés, de pommettes hautes et de peaux mates, de femmes sérieuses et sans fard et d’hommes introspectifs épargnés par la calvitie.» (p.69)
Le rêve ne durera pas. Il faudra encore une fois prendre la fuite, s’exiler au Portugal cette fois, dans une société traditionnelle et un peu sclérosée.

Différence

Apprentissage des langues, découverte de la différence, Bïa témoigne de son vécu simplement. Un regard aimant et sans complaisance sur ses parents qui finissent par se séparer pour refaire leur vie. L’enfant n’en souffrira guère, adorant sa seconde mère, son nouveau frère et sa nouvelle sœur. Elle vivra ces bouleversements sans crises existentielles ou grandes révoltes. L’enfant montre une capacité de résilience et d’adaptation exceptionnelle.
Un peu déroutant, le récit épouse le parcours de la vie de Bïa, les départs et les retours en arrière, passe de la vie de l’enfant à celle de l’adolescente qui vit ses premiers émois avec des garçons pour replonger dans ses premières années. Une fois familiarisé avec cette façon de raconter, à ces allers et ces retours, on suit la narratrice avec plaisir.
Touchant, bien écrit, sensible, intelligent, ce récit nous entraîne dans une vie qui sort de l’ordinaire. Un récit autobiographique étonnant. Bïa Krieger est plus qu’une chanteuse. Elle démontre un beau talent d’écrivaine.

«Les Révolutions de Marina» de Bïa Krieger est publié chez Boréal Éditeur.
http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/auteurs/bia-krieger-1641.html

Katia Canciani écrit à Antoine de Saint-Exupéry


Katia Canciani a été pilote, adorait se glisser entre les nuages, avoir la sensation d’être un oiseau.
La vie a fait en sorte que celle qui cherchait à s’envoler est demeurée au sol. L’arrivée des enfants, la vie qui prend une autre direction. L’écriture a pris la place que ses trois marmots veulent bien lui abandonner.
Dans «Lettre à Saint-Exupéry» elle décide d’écrire à l’auteur du «Petit prince». Après tout, il était pilote et écrivain. Elle se raconte, le convoque dans un café pour discuter. Elle connaît ses romans bien sûr. Elle parle de son rêve de voler, de l’école de pilotage de Chicoutimi, ses problèmes en tant que femme dans un monde masculin, un accident grave à l’amerrissage. Elle a amorcé une carrière d’instructeur jusqu’à son ras-le-bol devant l’attitude de certains étudiants. Cela arrive, même quand on sait défier la gravité. Les humains demeurent les humains.
Katia Canciani confie ses craintes devant le monde de l’écriture. Il doit savoir lui, l’auteur de «Vol de nuit» et de «Terre des hommes». Il y a peut-être une manière de saisir les mots, un plan de vol pour inventer un roman. Bien sûr, Saint-Exupéry reste silencieux. À chacun de trouver son chemin et de vivre ses expériences.
Katia Canciani survole l’œuvre de Saint-Exupéry, glane une phrase ici et là, raconte ses frayeurs devant ce nouveau monde.
Ses illustrations sont naïves à souhait, enfantines même. Clin d’œil au «Petit prince» peut-être, mais là encore rien de convaincant. Un ouvrage sympathique, sans plus.

« Lettre à Saint-Exupéry » de Katia Canciani et publié aux Éditions Fides.