mercredi 14 décembre 2011

Felicia Mihali joue avec plusieurs mythes

Felicia Mihali n’hésite jamais à secouer certains mythes et légendes. Cette fascination lui permet de donner un second souffle à des archétypes et de les actualiser tout en laissant les coudées franches à sa fantaisie et son imaginaire.
Elle l’a déjà fait dans «La reine et le soldat», un roman qui m’a entraîné dans des pays lointains et singuliers.
Cette fois, elle s’inspire des Sabines qui ont été enlevées par les fondateurs de la Rome antique et des Danaïdes qui ont égorgé leurs maris le soir de leurs noces. Ces femmes ont été condamnées à vivre dans les enfers et à remplir un tonneau sans fond.
Les Slavines sont kidnappées lors d’une fête où l’on boit et mange plus qu’il ne faut et ramenées dans un village voisin.
«Passé minuit, au signal imperceptible de leur chef, les Comans avaient enlevé les Slavines. Personne n’avait remarqué leurs regards insistants sur les filles de leurs invités, tout au long de la soirée. Sous prétexte de remplir leurs verres, les jeunes hommes avaient tourné autour des tables pour évaluer des yeux leurs cheveux, leurs seins, leurs cuisses, leurs pieds, leurs dents. L’odeur du corps mâle aurait dû trahir le rut qui excitait leurs sens, mais les jeunes Slavines, pas plus que leurs familles, n’avaient rien compris de ce qui se tramait.» (p.12)
Curieusement, aucune riposte des familles, d’attaques pour venger l’affront. Les jeunes mâles se partagent les femmes comme un butin de guerre. Elles deviendront des mères et des épouses.
«Des vingt familles slavines invitées à la fête des Moutons, deux n’étaient pas venues accompagnées de leurs filles, pour des raisons inconnues. Cependant, à part Kostine, qui avait perdu de vue la femme désirée, et Veres, qui avait enlevé une enfant, au cours des jours qui suivirent, seize Comans épousèrent seize Slavines.» (p.27)
Ce pauvre Kostine devra errer une grande partie de sa vie pour retrouver Sabina, l’élue de son cœur, celle qui a su échapper à l’enlèvement.

La paix

Les jeunes femmes protestent au début, mais elles semblent s’intégrer rapidement à la communauté. Elles gagnent la confiance de tous et occupent des postes importants dans le village, dirigent un commerce, gardent les moutons, ce qui ne s’était jamais vu. La sorcière pousse très loin son pouvoir et ses connaissances.
Peu à peu, les hommes qui ont marié ces Slavines connaissent des morts violentes. Est-ce le malheur, une malédiction? Ce serait trop simple même si je n’y ai pas trop fait attention au début.
Pendant ce temps, Kostine parti dans le village voisin pour retrouver celle qu’il ne peut oublier, est pris dans une rafle de l’armée. Il devra faire la guerre contre les Asiatiques, apprendre à survivre. Il parcourt le monde et fait d’étranges rencontres. Un monde connu et aussi un univers imaginaire où tout est harmonie et bonheur. Il parviendra à rentrer chez-lui après bien des pérégrinations.

Le don de Felicia

Au-delà de l’histoire, ce qui importe dans «L’enlèvement de Sabina», c’est l’incroyable faculté de Felicia Mihali à décrire les usages, les coutumes alimentaires, les fêtes et les rituels. Elle connaît nombre de recettes, de potions, d’herbes qui guérissent et permettent d’éloigner le malheur.
«Il y avait du bon pain de blé et de seigle fraîchement sorti du four, du fromage gardé dans l’huile avec du basilic, des oignions marinés, des petits pois au fenouil, des haricots à la nuque de porc, du lard à l’ail, des saucissons frais, de la choucroute, des galettes au fromage doux assaisonné de raisins secs, des tranches de pommes, du sirop de sureau, de la citrouille cuite, des prunes en compote, le tout arrosé du meilleur vin, dérobé des réserves de leurs maris.» (p.165)
Ce qui pourrait rebuter plusieurs lecteurs est un délice pour moi. J’adore quand elle prend la peine de s’attarder aux rites funéraires ou encore à un événement important de la vie du village. C’est tout simplement fascinant.
Du meilleur Felicia Mihali où la puissante conteuse n’hésite jamais à mélanger le quotidien et le merveilleux. Des odeurs, des arômes et des couleurs qui étourdissent.

«L’enlèvement de Sabina» de Felicia Mihali est paru aux Éditions XYZ.

lundi 5 décembre 2011

Michaël La Chance ouvre un monde fascinant


«De Kooning malgré lui» de Michaël La Chance m’a déboussolé, étourdi même. C’est souvent le cas avec cet écrivain qui ne fait jamais de quartier et qui se méfie des apparences.
Willem De Kooning est né à Rotterdam en 1904 et est décédé aux États-Unis en 1997. Atteint de la maladie d’Alzheimer, il a continué à peindre en gardant son style et sa manière.
La Chance respecte à peu près la trame de vie de ce peintre américain qui a fait scandale en 1950 avec une série de tableaux intitulée «Women».
Pas question de pister l’artiste et de parasiter sa vie en se tenant aux faits et gestes de l’homme. Le roman de Michaël La Chance devient rapidement un questionnement sur l’art et l’identité. Parce que la maladie d’Alzheimer emporte la mémoire et fait en sorte que la personne touchée devient une autre. Que se passe-t-il dans sa tête, que vit-il dans «son absence»?
La Chance lance des phrases qu’il faut secouer pour en extirper tout le signifiant.
«Ainsi, la théorie physique s’incurve sur elle-même et se prend pour objet, elle traite du savoir dont nous disposons sur nos objets; elle traite de ce qu’on peut et aussi de ce qu’on ne peut pas savoir étant donnés nos appareils de mesure et nos dispositifs d’observation. En fait, le savoir est dans nos objets, c’est leur ciment; interroger ce savoir provoque la dissolution de nos objets. La mécanique quantique serait un aperçu du monde qui résulte de cette incurvation sur elle-même, quelque peu monstrueuse, de la pensée.» (p.33)
Nous avons peut-être là un individu qui se retourne sur soi pour mieux se retrouver ou se perdre, on ne sait trop. L’objet devient le sujet et aussi l’inverse. Si on applique cette théorie à deux hommes qui se sont croisés comme des météorites, cela peut donner quelque chose de fascinant.


La rencontre

De Kooning, en 1944, aurait interrogé un savant allemand qui travaillait sur le programme nucléaire des nazis. Sachant très bien que l’on veut fabriquer la bombe qui permettrait à Hitler de gagner la guerre, Boris D. a fui en emportant des documents importants. De Kooning est chargé de le questionner pour savoir ce qu’il transporte dans ses bagages. Ils se sentent vite des complices. Le jeune officier était fasciné par le monastère de Monte Cassino, par son acoustique et ses proportions qui en faisaient un lieu d’exception où il était peut-être possible d’atteindre le plus haut niveau de la pensée et de l’être.
Un obus a frappé leur jeep et la tête de l’Allemand a roulé dans le ravin. De Kooning en est sorti amnésique et ramené à la vie par Pauley, une femme qui les accompagnait et qui a échappé à la déflagration par miracle. Cet événement devient de plus en plus obsédant à mesure que l’âge s’impose et que De Kooning vit en marge du monde.
Peu à peu, avec les mots que le peintre tape sur la vieille machine à écrire de sa femme, nous plongeons dans un monde où on questionne l’identité, la peinture, la lumière, l’œuvre, la vie dans ce qu’elle est et ce qu’elle peut signifier. Nous sommes dans un monde qui se construit et se défait pour faire surgir un moment qui éclate de plénitude.
De Kooning a de plus en plus la certitude d’être l’autre, ce jeune allemand mort dans l’explosion. Le «je est un autre» de Rimbaud prend une signification particulière ici. Pauley, la femme de l’artiste, aurait joué un rôle important dans cette mutation.

Plongée

Michaël La Chance nous entraîne aux sources de l’être et de l’élan vital. Nous sommes ce que nous avons vécu et ce que nous avons vécu est peut-être autre chose aussi. La création oui, mais aussi la théorie mathématique, la science des atomes qui peut souffler la Terre.
J’ai souvent eu l’impression de me retrouver dans un texte philosophique qui tente de dire le monde, l’univers et de trouver un sens à la vie. Il faut revenir souvent sur ses traces, tordre le cou à ces phrases qui se livrent et se referment comme des pièges.
Un texte questionnant et terriblement dérangeant. Un livre difficile, je le répète, mais nécessaire. Un combat, ce que toute écriture et lecture devrait être…

«De Kooning malgré lui» de Michaël La Chance est paru aux Éditions Triptyque.

lundi 28 novembre 2011

Daniel Canty échappe au monde ordinaire

Daniel Canty étonne, pour ne pas dire désarçonne avec «Wigrum». Une histoire englobe des dizaines d’histoires qui s’interpellent, se relancent, se complètent pour constituer une étrange collection d’objets et de courts récits.
Son héros disparaît sans aucune explication après quelques pages. Il a peut-être choisi de devenir un autre, qui sait. Réalité ou fiction, invention ou personnage réel, voilà la question qui m’a suivi tout au long de ma lecture.
L’éditeur a cru bon de présenter ce livre inclassable comme un roman. Bien sûr, le genre est devenu un immense fourre-tout de nos jours. Pour notre plus grand bonheur, les formes éclatent, les genres s’amalgament et nous plongent dans des univers hétéroclites et désarmants.
Sébastien Wigrum, collectionnait des objets qui n’attirent guère au premier regard. Un ensemble qui m’a fait parcourir les vingt-six lettres de l’alphabet, peut-être les assises du langage. Montres, épingles, allumettes, coffres, feuilles d’arbre, fils, lampes, lunettes, galets, pavés. Nous sommes loin des collections prestigieuses et des toiles de maîtres.
Où est la vérité et où est l’invention? Bien sûr, quand il présente un poil du yéti, on ne peut que hausser les épaules. Et que dire devant une plume qui aurait appartenu à Icare?

Aventure

J’ai vite renoncé à séparer le vrai du faux. Je me suis laissé emporter par les objets qui permettent de croiser des personnages connus et des inconnus qui auraient vécu des aventures singulières. Certains de ces artéfacts auraient appartenus à Ernest Hemingway, William Faulkner, Hermann Melville, Salvador Dali, Rimbaud et plusieurs autres.
«Ce carnet est relié dans la peau tannée d’un lion du Kilimandjaro. C’est une relique du parcours africain du viril Ernest Hemingway, qui aurait appartenu à un de ses guides, Ouafo Nono. Hemingway dictait à son compagnon le résultat de ses chasses. Les premières pages sont couvertes de dessins naïfs d’antilopes, de gazelles, de rhinocéros et de tigres qui ne sont pas sans rappeler le style des peintures rupestres. Le cahier central contient une image des pics jumeaux du Kilimandjaro, auréolés de nuages. Il neige de gros flocons sur le Furtwängler, au sommet du Kibo, alors que Nono a dessiné un avion biplan décrivant des cercles autour du piton rocheux de l’Uhuru… … Sur les deux derniers folios, on peut lire, dans une éclaboussure de sang, étendue du bout du doigt, le surnom d’Hemingway: «Papa». (pp.127-128)
Ce bric-à-brac cumule les faits anodins et les récits les plus étranges. Impossible d’échapper à ce «catalogue» unique.
«Vous qui entrez dans cette fiction, abandonnez tout espoir d’en revenir», écrit-il dans sa postface, empruntant la formule à Dante. C’est peut-être ce qui nous arrive et ce qui est arrivé à Sébastien Wigrum.
«Notre travail de mise en forme nous valut un prix de graphisme et les interrogations sidérées des visiteurs, qui demandaient toujours quelle était notre part d’invention dans ce projet. En vérité, je ne le sais pas moi-même, mais j’étais déterminé à préserver la mémoire de ces deux hommes obsédés par l’ordinaire.» (p.172)
Plus l’auteur s’explique, plus il nous mystifie.

Édition

Un travail d’édition gigantesque avec des illustrations et des explications en plusieurs langues. Une approche «encyclopédique», je dirais.
Daniel Canty est peut-être de la race des illusionnistes. Tout comme Luc Langevin, il parvient à nous faire croire que l’impossible fait aussi parti du réel. Un don rare. Ce travail de moine m’a rappelé un peu l’entreprise folle de Rober Racine qui a découpé  tous les mots du dictionnaire pour en faire une exposition fascinante. Canty bouscule le temps et l’espace. Et peut-être qu’il arrive à forger des trous dans le réel pour laisser entrevoir une autre dimension.
Un ouvrage unique, original et un écrivain qui emprunte des sentiers peu fréquentés. Je suis demeuré un peu étourdi devant l’ampleur de cette entreprise qui bafoue toutes les règles et s’avère d’une efficacité redoutable.

«Wigrum» de Daniel Canty est paru aux Éditions de La Peuplade.

lundi 21 novembre 2011

Découvrir le numérique avec Pascale Bourassa


C’est fait. Je viens de découvrir la tablette électronique. Pour me convaincre, il fallait la naissance de la maison d’édition «Le chat qui Louche», une entreprise entièrement numérique qui a son siège social à Chicoutimi. Ce n’est pas rien et l’événement mérite qu’on s’y attarde.
Lancement en grandes pompes le 13 octobre dernier. Huit titres. Des textes originaux et des rééditions. Des écrivains connus: Danielle Dussault, Dany Tremblay, l’éditrice, Alain Gagnon et Dominique Blondeau. Des écrivains d’ici et de France. Belle fête et plein de gens fascinés!
Fini les frontières! Ces textes voyagent dans l’espace-temps et peuvent être lus en Russie, en France, aux États-Unis, en Islande et même au Japon.
Le projet est séduisant…
Je suis un inconditionnel du papier pourtant. J’aime renifler les livres, palper les pages comme des êtres vivants. Laisser aussi des traces de ma lecture en soulignant certaines phrases avec un stylo ou un marqueur.
Je garde religieusement les romans que j’ai reçus au primaire. C’était la mode alors. Ils étaient considérés comme des objets précieux que l’on manipulait avec le plus grand des soins. J’en ai récolté quelques-uns à la petite école Numéro Neuf de La Doré.
Je possède encore le  premier roman que j’ai acheté. J’étudiais alors à l’école Pie XII de Saint-Félicien. Mon maître Jean-Joseph Tremblay s’appliquait à nous faire découvrir les merveilles de la littérature. C’était possible à l’époque. Je savais déjà que ma vie passerait par les livres.
J’avais trouvé «Les Misérables» de Victor Hugo dans une tabagie du boulevard Sacré-Coeur. Un livre de la collection Marabout géant, imprimé en Belgique, en 1962. Ce fut la première brique d’un monde que j’ai érigé au fil des ans. Maintenant, en regardant ma bibliothèque je retrouve les grandes étapes de ma vie.

Livre magique

Il fallait Dany Tremblay et cette petite flamme dans ses yeux quand elle parle des livres pour que je me laisse tenter. Et «Une couleur dans le noir» de Pascale Bourassa, une écrivaine native de Saint-Félicien comme par hasard. J’ai beaucoup aimé «Le puits» paru en 2009 aux «Éditions La grenouille bleue». Un roman fort, puissant qui est passé un peu inaperçu. Malheureusement.
J’ai tourné autour de l’objet en question pendant plusieurs jours. Une sorte de miroir terne. Froid. J’avais l’impression de trahir des amis. Il faut presser là, attendre, entrer dans la bibliothèque. «Please wait». En plus la machine me prend pour un Anglais. Enfin le texte remonte à la surface…
Dans le sens de la largeur. Je finis par comprendre qu’il faut retourner le miroir pour retrouver un texte… normal.
J’amorce ma lecture tout doucement, sur la pointe des yeux, comme si je m’avançais sur une glace mince. Un texte à plusieurs narrateurs. D’habitude, je lis en soulignant partout, je l’ai déjà dit. Je me sens privé du plaisir d’accompagner l’auteur.
Glisser le doigt de droite à gauche. La page tourne dans le mauvais sens. J’avance, je recule. Je me sens stupide. Une grande inspiration et je me concentre. Je m’attarde sur une phrase quand l'appareil consent à me laisser progresser dans le texte.
«Je suis une image. Je suis un moment sur du papier. Je me froisse, je me rature et je recommence. On me redéfinit toujours. Quand je sens que l’image est la bonne, je la garde jusqu’à ce que ça se froisse encore.» (p.9)

Texte

Des poupées gigognes que ces femmes qui s’interpellent sur deux générations. La mère et la fille. Une grossesse non-souhaitée, une vie sacrifiée à la moralité, à un mariage de convenance. Une histoire déchirante, difficile où la mort et la vie dansent les yeux dans les yeux.
«Ma mère, c’est une histoire que je me raconte, la nuit, les yeux ouverts dans le noir.» (p.48)
Pascale Bourassa réussit à me faire oublier la mécanique. Son texte incantatoire, douloureux comme le sont les chants les plus beaux, m’emporte. Je reste un moment à réfléchir à l’univers singulier de cette auteure. La maternité, il en était question dans son premier roman. Il y a de la suite, une démarche qui s’esquisse, une écrivaine qui pose ses balises.
Comment revenir au début du texte? Et le miroir qui ne veut plus s’éteindre.
Chose certaine, il faudra changer mes habitudes pour explorer le monde numérique. Peut-être lire avec un carnet pour prendre des notes et copier des passages. Mais il paraît qu’avec certains appareils il est possible de faire cela.

«Une couleur dans le noir» de Pascale Bourassa est paru aux Éditions Le chat qui Louche.

samedi 19 novembre 2011

André Pronovost marche pour se trouver

André Pronovost parcourait, il y a plusieurs années, le sentier des Appalaches. Une aventure qui lui a fait traverser treize états américains. Cinq mois de marche, mais peut-être aussi l’aventure d’une vie.
«À l’aube de 1978, mon vieux rêve de couvrir en entier les deux mille milles de l’Appalachian Trail était devenu envahissant. J’avais besoin de me retrouver, de passer à autre chose, et que le diable emporte le reste ! Je partirais en février. À la mi-février, et en cinglant du sud au nord, de la Géorgie au Maine. Avec le printemps, quoi.»  (pp.11-12)
Une véritable épreuve physique l’attend, des conditions souvent difficiles. Le marcheur doit combattre le froid, la neige et la grêle; le vent, la chaleur, la pluie et les moustiques. Tout ce que l’on peut imaginer quand on ose s’aventurer dans des régions isolées.
Tout cela pour oublier un amour impossible, une thèse sur la psychologie animale qui bat de l’aile.
Les longues journées, les montées, les descentes, les nuits glaciales dans des abris où les moufettes et les souris font la loi ont de quoi faire hésiter les plus courageux. L’écrivain en se confrontant aux éléments, apprivoise la solitude, jongle avec certaines questions existentielles qui pèsent parfois plus que son sac à dos. On ne peut s’empêcher de penser à Jack Kerouac, aux «Anges vagabonds» surtout.

Rencontres

L’aventure devient rapidement une marche à travers le temps et l’histoire de l’Amérique. Il croise des gens habités par des croyances qui leur permettent de vivre en paix ou qui cherchent un sens à leur existence.
«Je suivis la piste d’un ours entre le col de Spanish Oak et le sommet chauve et baigné de lumière de Snowbird Moutain, et à midi, après douze milles de marche allègre, me voilà en présence d’un type pas très vieux, pas très grand, à la figure rude et hâlée comme du poisson séché, aux yeux insondables, aux cheveux de jais, aux dents aussi blanches que celles de son chien. S’agissait-il de Lee Eagle, l’Amérindien winnebago qui pousse son mythe d’un pôle à l’autre de cette longue piste des Appalaches?»  (pp.81-82)
Ils partagent un repas, un abri et chacun repart en ayant comme but d’atteindre le prochain relais où la prochaine agglomération pour faire des provisions. Dans ces villages et ces petites villes, le marcheur fait la connaissance de gens qui l’aident sans rien demander en retour. Des êtres exceptionnels, des hommes et des femmes qui le bousculent. À son retour sur la piste il connaît de véritables moments d’euphorie et d’extase.
André Pronovost aura vécu une expérience humaine incomparable, une sorte de voyage initiatique qui lui permet d’aller au fond des choses et de découvrir l’âme des États-Unis d’Amérique.
L’écrivain a eu raison de rééditer ce récit échevelé, troublant et unique. Absolument fascinant.

«Appalaches» d’André Pronovost est paru chez XYZ Éditeur.