jeudi 14 février 2013

LE MONDE D'HOMÈRE AU LAC-SAINT-JEAN


Je me permets de vous présenter mon nouveau roman: Le voyage d'Ulysse. Une épopée qui vous fera voyager dans L'Odyssée d'Homère et les légendes amérindiennes, plonger dans le monde réel et inventé du Lac-Saint-Jean.


Ulysse quitte le Bout du Monde pour un long périple. Devant lui, avalant l'horizon, le Grand Lac sans fin ni commencement. Qu’y a-t-il dans ce monde que sa grand-mère Allada, une sorcière, évoque en fermant les yeux Un renard et un tamia l’accompagneront dans un village où le maire a inventé la démocratie totalitaire. Il y a aussi Alexis le Trotteur, dont les pieds sont peut-être des sabots, Victor Delamarre, l’homme le plus fort du monde, Louis l’Aveugle, le voyant qui possède la mémoire du pays d’avant et d’après. Que dire du Gardien des glaces, de Calypso, de Tshakapesh, le chasseur qui piège le soleil et de Manigouche, le guide des âmes ? 


Ulysse s'éloigne de Manouane, son amoureuse, la belle et ensorcelante Innue, pour suivre son destin. Comme Pénélope, va-t-elle l'attendre en tricotant un monde à l’endroit, un monde à l’envers ? Et lui, succombera-t-il aux charmes de Calypso, aux sourires de Séville et aux provocations de Perséphone? Aura-t-il besoin de l’aide de Satan Belhumeur pour revenir devant sa grand-mère, au pied de l’arbre des commencements et de la sagesse? 

Contourner le Grand Lac sans fin ni commencement, c’est découvrir la Méditerranée et bien d'autres terres étranges. Et le Bout du Monde est peut-être l’île d’Ithaque, car, c’est connu, nous répétons les mêmes histoires, peu importe le temps et les époques…


MAINTENANT EN LIBRAIRIE


dimanche 10 février 2013

Hélène Rompré se penche sur le sort des femmes


Hélène Rompré mélange habilement deux époques dans «Novembre veut ma peau». Carmen et Mathilde se croisent par la magie des livres, au-delà du temps et de l’espace. Une belle façon d’aborder la situation des femmes, d’une lutte toujours à recommencer pour être dans son corps et son esprit, peu importe les époques et les milieux.

Hélène Rompré est arrivée au Camp littéraire Félix avec un manuscrit, il y a quelques années. Avec beaucoup d’humour, elle nous fit découvrir, à moi et aux stagiaires, l’histoire d’une jeune femme qui cherchait à se retrouver dans le tourbillon de sa vie. Les sorties, l’alcool, la bousculade des jours ne lui laissaient aucun répit. Immanquablement, elle retrouvait un homme dans son lit au réveil. Des amours d’un soir, l’exultation du corps qui laissait un goût amer.
Voilà!  «Novembre veut ma peau» vient de paraître. J’étais curieux de voir ce qu’était devenu le manuscrit et le personnage de Carmen. L’auteure n’a jamais cessé de travailler depuis cette rencontre.
«J’arrête le sexe. C’est décidé. J’ai fait le décompte à mon réveil: vingt et un amants. Autant d’ex que d’années de vie. C’est beaucoup. L’acte ne veut plus rien dire. Il doit exister d’autres moyens pour me réchauffer, me dégeler. Je vais devenir chaste. Pas par conviction. Je n’adhère à aucune religion prônant la morale du siècle passé. Non. L’idée m’a plutôt traversé l’esprit vers cinq heures du matin: garder un nombre d’amants inférieur à mon âge.» (p.10)
Des bonnes intentions, mais comment repousser les tentations?

Belle surprise

Un nouveau personnage est apparu depuis: Mathilde, une fille de bonne famille, qui vit à Montréal dans les années 1875. L’avenir d’une jeune femme alors était lié à l’homme qui la courtisait et demandait sa main. Toutes les préoccupations des mères et des filles étaient la préparation des bals, les occasions de bien paraître en société pour dénicher le bon parti. Du moins dans un certain milieu.
Deux filles du même âge, deux époques différentes. Les deux tentent de reprendre leur vie en main. Le problème de Carmen est l’absence de règles et ses pulsions. Elle n’arrive pas à trouver un ancrage. Les hommes sont un drap qu’elle change chaque matin. Il en résulte un vide, une perte de sens qui mène à la frénésie.
«Éliminer les tentations de ma vie. Persévérance, sobriété, vertu. Passer du temps avec moi. Établir mes priorités. Forcer mon cerveau à réfléchir. Me garder de faire la tournée des boîtes de nuit. Rester à la maison pendant que tous boivent et jouent le jeu de la séduction.» (p.26)
Mathilde passe par des chemins bien différents pour trouver son espace et se libérer des carcans de son milieu bourgeois.
«Depuis combien d’années ma mère est-elle engagée dans cette course effrénée pour me placer dans un foyer convenable? Une éternité. Jamais ne passe un seul jour sans qu’elle me témoigne de nouveaux espoirs et de nouveaux reproches.» (p.25)
Elle aimerait s’affirmer sans passer par le lit d’un homme, mais cela n’est guère possible à l’époque.
«Il y a des jours où je me demande pourquoi Dieu a créé l’homme avec le désir, cette impulsion risquant à tout moment de nous faire tomber. Le visage colérique d’un enfant que l’on prive d’un jouet me rappelle toujours combien nous sommes nés esclaves de nos tentations.» (p.31)

Bouleversement

La mort du père de Mathilde fera basculer son monde. Elle n’est plus un parti intéressant pour les jeunes professionnels. La jeune femme devra travailler et prendre soin de sa mère. Elle s’initiera même aux joies de l’amour avec la complicité d’une servante bien en avance sur son temps.
«Je sais que c’est là un cadeau que m’offre Armande, mais j’ignore comment l’accepter. À vrai dire, je ne crains pas de perdre ma réputation ni même d’offenser Dieu, le péché de la chair s’absout avec le temps et la contrition sincère. J’ai plutôt peur de goûter à un interdit que j’aurai envie de retrouver alors que je ne le pourrai plus. Je me demande ce qui cause le plus de mal à l’âme: savoir ou regretter.» (p.186)
Hélène Rompré fait preuve d’un humour particulier, d’une ironie qu’elle dose bien dans la vie tourbillonnante de Carmen et l’univers figé de Mathilde. Une quête d’identité qui ne sonne jamais faux et prend des virages étonnants. Deux personnages attachants que j’ai quittés avec regret. Une belle réussite que ce roman vivant et actuel.

«Novembre veut ma peau» d’Hélène Rompré est paru aux Éditions Pierre Tisseyre.

dimanche 3 février 2013

Stéfani Meunier met des mots sur l’absence


Stéfani Meunier nous guide dans un labyrinthe dans «On ne rentre jamais à la maison». L’écrivaine met des mots sur l’absence, la peur, la terrible angoisse de ne pas savoir et de ne pas être capable de franchir une frontière. Une écriture forte, bellement maîtrisée, un roman de pulsions, de douleurs, d’amours égarés et perdus, de rêves étiolés au sortir de l’enfance.

Charlie, la grande amie de Pierre-Paul, disparaît après un jeu particulier. Les inséparables tentent de se faufiler dans le rêve récurent du garçon où, par un passage secret, il débouche dans une pièce impossible à retrouver dans la réalité. Comme s’il y avait une dimension autre dans la demeure familiale, un grenier qui n’existe que dans son rêve. Y a-t-il un passage secret, un autre réel?
Pierre-Paul s’endort auprès de son amie et quand il ouvre l’œil, le lit est vide. Charlie est rentrée chez elle.
«Je ne l’ai jamais revue. C’est une partie du problème. Que ça soit arrivé ce jour-là. Le lendemain matin, je suis parti pour l’école avec une vague angoisse mêlée d’espoir, je me disais que je descendrais de l’autobus, que je marcherais quelques minutes et qu’elle serait là, à m’attendre, assise sur le muret de pierres de ce vieux bâtiment étrange qui nous faisait un peu peur parce qu’il ne ressemblait à rien ni à une maison ni à un commerce, à quelques mètres de l’école. Puis je me suis dit qu’elle ne serait pas là, ni ce matin ni un autre matin, puis je me suis dit voyons, c’est impossible.» (p.57)
De quoi traumatiser un garçon d’une douzaine d’années. Que dire des parents de la fillette et de son entourage? Tous devront vivre avec cette absence, le doute, leur imagination. Il y a une faille dans leur vie qu’ils ne peuvent expliquer.
«Comme si, entre douze et quinze ans, j’avais été éteint, engourdi. Je mangeais, je dormais, je faisais ce qu’on attendait de moi. J’avais des fourmis jusque dans le cerveau, jusqu’au fond du cœur.» (p.110)

La survie

Le père et la mère de Charlie s’étourdissent de paroles et d’alcool avec leurs nombreux invités. Ils ont une autre fille, Clara, mais elle ne peut faire oublier sa grande sœur. Elle ne peut non plus prendre sa place.
«Mes parents m’ont faite pour remplacer ma sœur. Alors, forcément, ils sont déçus. Depuis mon premier souffle jusqu’à ma dernière coupe de cheveux. Parce que je ne suis pas ma sœur. Il m’arrive de les détester de m’avoir faite. Je hais ce combat que je sens en eux tous les jours entre les sentiments qu’ils devraient normalement avoir pour moi et ce qui se trouve en réalité dans leur cœur. Cet espoir triste et méprisable. Méprisable parce qu’inutile.» (p.71)
Les parents de Charlie portent une blessure qui ne peut guérir. Clara le sait, le sent et doit s’affirmer pour être.

Scénarios

Pierre-Paul écrit des scénarios. Avec les comédiennes et dans ses relations amoureuses, il tente de retrouver la disparue. Son enfance ébréchée, il voudrait bien la colmater avec ses histoires.
«J’écris des films. J’écris des films pour Charlie. Les actrices qui sont choisies pour jouer dans mes films sont souvent bonnes. Parfois très. Mais elles ne sont pas Charlie. Jamais elles n’atteindront la perfection de ce mélange de fiction et de vérité, de peau et de fantasme qui vit avec moi, là, dans ma tête. Mes films, c’est comme si j’avais lu le livre avant. Et tout le monde sait que le livre est toujours meilleur.» (p.141)
Comment expliquer l’inexplicable? Tout tourne autour de cette absence, de cette blessure sans nom.
«On n’a jamais retrouvé Charlie vivante. On n’a jamais retrouvé Charlie morte. Peut-être a-t-elle été engloutie, peut-être son corps a-t-il été emporté jusqu’au fond de l’océan par une de ces vagues scélérates. Peut-être nage-t-elle avec les sirènes. Peut-être aussi qu’un jour on la verra tourner le coin d’une rue, toute grande, tout adulte, avec ses cheveux bouclés et ses yeux jaunes.» (p.153)
Prendre de l’âge c’est peut-être chercher à secouer des rêves, s’inventer des scénarios pour faire revivre l’enfance. Reste le regret, le sentiment de culpabilité, la honte peut-être d’être vivant et d’oublier pendant ces jours où il possible de croire au bonheur. Des personnages terriblement séduisants.

«On ne rentre jamais à la maison» de Stéfani Meunier est paru aux Éditions du Boréal.

lundi 28 janvier 2013

Marie-Renée Lavoie lutte contre «la vis»


Tous se souviennent de «La petite et le vieux», le premier roman de Marie-Renée Lavoie qui a attiré l’attention lors de sa parution. L’ouvrage a remporté le combat des livres de Radio-Canada en 2012 en plus d’être finaliste au prix des Cinq Continents de la Francophonie et du prix France-Québec. Elle a aussi été lauréate du Grand Prix de la relève littéraire Archambault en 2011. Une entrée en scène remarquable. Elle revient avec «Le syndrome de la vis», un roman au titre un peu étrange.

Josée souffre d’insomnie. La maladie du siècle à ce que l’on dit. De plus en plus de femmes surtout voient venir la nuit comme une épreuve. À un point tel que le manque de sommeil finit par perturber le quotidien.
«Une fois dans la rue, je ne trouve plus ma voiture. Je regarde mes clefs pour que ressurgisse, à force de contemplation, un indice quelconque, n’importe quoi. J’essaie de ranimer l’image d’un lampadaire, d’une borne-fontaine évitée, d’un parcomètre, d’une enseigne. Rien. Même pas le souvenir d’être retournée la chercher rue Champfleury après la capitulation de la veille. Ce qui ne veut rien dire. Je reste calme. Ça ira, ça reviendra. Je me mets en marche dans l’espoir que «ça» me tombe dessus.» (p.50)
Des angoisses terribles pour l’enseignante et des «trous» qui en font presqu’une somnambule. Elle se couche tôt pourtant, mais après une heure ou deux, le carrousel se met en branle dans sa tête… Ou plutôt, la vis, peut-être une proche parente de celle d’Archimède, la pousse vers le matin comme une naufragée qui doit nager toutes les nuits jusqu'à épuisement.
«La vis repart, fait à nouveau défiler devant moi la scène. Quarante mains qui cessent de prendre des notes, quarante visages ahuris qui, plus tôt prêts à croire que la littérature élève l’âme et rend meilleur, réalisent en quelques coups de talon que la fréquentation assidue des auteurs peut aussi rendre fou. Pour cette scène d’autohumiliation, ils me gratifient de leur plus sérieuse attention, de la trempe de celle que je n’aurais même jamais souhaitée pour mes cours.» (p.25)

Épuisement

Sa vie se détraque. Comment respecter un horaire, donner des cours et retenir l’attention des étudiants? Elle plonge dans une autre dimension et surviennent alors des incidents plutôt embarrassants.
«Aujourd’hui, ma fatigue se traduit plus souvent en d’inquiétantes absences: je me retrouve parfois dans mon auto, sur la route, sans savoir d’où je viens ni où je vais, réintégrant mes esprits quelques sorties trop tard; d’autres fois, j’entre en crise de rage et j’ouvre les yeux, après quelques secondes de dissociation mentale, sur un tiroir à four récalcitrant à moitié arraché, un tableau de bord fissuré, un cellulaire en poudre; en des moments inopportuns, je fonds en larmes, en impatience, en intolérance, en haine de moi-même. Et des autres quand ça déborde.» (p.77)
Sa vie prend eau de toute part. Philippe, son amoureux, finit par en avoir assez et la séparation devient inévitable. Peut-être, que ce ne sont pas uniquement les insomnies de Josée qui sont en cause, mais cela n’aide guère.
Heureusement, il y a un petit garçon qui, comme dans «La petite et le vieux», réussit à lui faire un peu oublier ses problèmes. L’enfant passe son temps à attendre son père, un travailleur de la construction. Il devient le protecteur de l’institutrice en quelque sorte. On souhaite que la vie de Josée prenne un autre tournant avec le père de cet enfant attachant. Il y a aussi sa mère qui ne cesse de téléphoner pour des futilités. Presque du harcèlement.

Dérape

Cette carence de sommeil bousille tout. C’est parfois amusant, c’est surtout tragique même si Josée possède un bon sens de l’humour.
La professeure finit par halluciner. Dans sa fatigue, son épuisement, elle voit son père décédé avec qui elle dialogue le plus naturellement du monde. Comme si les insomnies vous empêchaient de faire la différence entre le réel et l’imaginaire. C’est peut-être le cas, je ne sais pas. Marie-Renée Lavoie plonge le lecteur dans un drame même si l’auteure tente de le traiter avec le sourire. Le tragique a beau se présenter dans ses habits d’été, il n’en reste pas moins dérangeant et inquiétant. Je remercie les dieux de ne pas m’avoir privé de belles et longues nuits de sommeil.

«Le syndrome de la vis» de Marie-Renée Lavoie est paru aux Éditions XYZ.